Zone à défendre, zone en danger

Sans les zadistes, la zone humide qu’ils défendaient ne serait aujourd’hui que béton et bitume ; biodiversité, terres agricoles sacrifiées sur l’autel d’un modèle de développement d’un autre âge.

Venus de nulle part, ils s’étaient avec le temps enracinés dans le bocage, fondant foyers, expérimentant des formes non agressives de vie rurale.
Leur installation à demeure, en osmose avec le territoire, leur avait permis de résister une première fois, voilà six ans, aux forces de l’ordre venues les déloger. Aujourd’hui, alors que l’abandon du projet d’aéroport est acté et que tout semblait devoir se régler pacifiquement, le retour intempestif de ces forces bien décidées à en finir avec la ZAD provoque comme il était à craindre un regain de violence. Il témoigne aussi de la difficulté, voire de l’impossibilité, pour l’ordre établi de supporter toute forme dissidente de vie collective, fut-elle parfaitement pacifique.

(phote extraite du site Reporterre)

Sans les combattants kurdes, sans leur engagement en première ligne contre Daech, l’Etat islamique ferait encore sa loi dans le nord de la Syrie. Au fur et à mesure que, grâce à eux, les territoires du Rojava se libéraient du joug islamiste, un nouveau modèle de société égalitaire et multiconfessionnelle s’y mettait progressivement en place. L’utopie dans le chaos syrien d’un Kurdistan autonome qu’ils pensaient avoir bien mérité.
Une utopie mise à mal par le puissant voisin turc qui, craignant la contagion de l’émancipation à ses propres populations kurdes, a franchi la frontière bien décidé à couper court à ces velléités d’autonomie. Face à l’une des premières armées du monde que peuvent les combattants Kurdes ?

Le Rojava est aujourd’hui une zone en danger (ZED), en danger d’être anéantie par une force étrangère adepte, on le sait, de la terre brûlée.

Entre la ZAD et la ZED quel rapport ? Une situation de violence, même si elle est sans commune mesure d’une zone à l’autre, née du refus d’une puissance publique de laisser se développer une expérience émancipatrice de vie autonome.

Le retour à la paix ne peut s’obtenir que dans un cadre juridique reconnu. Ce cadre existe, il repose sur deux règles de droit, l’une issue du droit international reconnaît aux peuples le droit de disposer d’eux mêmes, l’autre inscrite dans notre constitution ouvre le droit pour des collectivités à expérimentation.

Le cadre existe, reste à convaincre de l’urgence de le voir s’appliquer !

Roland de Penanros
L’Orange Bleue, n° 109