Dans le précédent numéro de l’Orange Bleue nous insistions sur la liaison existant entre le nucléaire civil et militaire. La preuve accablante de ce lien toxique nous est donnée par la publication d’un communiqué du Ministère des Armées en date du 18 mars dernier qui nous fait part d’une collaboration « Etat-EDF-CEA » pour l’utilisation de deux réacteurs de la centrale de Civaux (Vienne) nécessaires à la production de tritium.

Le tritium est un gaz rare indispensable à « l’armement de dissuasion », il est utilisé notamment dans la composition des bombes « H » (thermonucléaire) et « N » (à neutron). Il est fourni à partir de matériaux contenant du lithium, lui-même utilisé dans la propulsion des sous-marins* . Ces matériaux irradiés dans le coeur des réacteurs, seront par la suite transférés dans un centre du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) d’où ils sortirons sous leur forme définitive.

Un tel accord n’est pas nouveau, il existait déjà une collaboration EDF -industrie de la Défense ; les premiers réacteurs électro-nucléaires avaient cette double finalité dans l’objectif de produire du plutonium nécessaire à la fabrication des bombes. Ce qui est inédit par contre est que pour la première fois l’industrie nucléaire civile est ouvertement proclamée comme étant au service de notre industrie de destruction.

Le rehaussement du niveau d’alerte en matière de « dissuasion nucléaire » et l’ambition démesurée de la France à devenir la première puissance nucléaire en Europe, nécessitent à l’évidence, approvisionnement et production de moyens en composants essentiels à la satisfaction de cet objectif.

L’appétit des « marchands de canons » est insatiable. Un amendement au projet de la loi de finance 2024 proposait de puiser dans l’épargne populaire en permettant le détournement des fonds du livret « A » traditionnellement dévolus au logement social pour le financement de l’industrie d’armement. Mobiliser le pécule des Français, parfois durement acquis, pour une éventuelle participation à leur propre destruction, relève d’une manipulation machiavélique.

*Voir article « Mine de rien » précédent numéro.

Yvon Pichavant, l’Orange Bleue, n° 138