Garry Davis, qui connaît encore aujourd’hui ce pilote de l’U.S Air Force qui, marqué par la guerre et les bombardements de villes auxquels il avait participé, décide en 1948 de renoncer à sa nationalité Etatsunienne et s’autoproclame premier citoyen du monde ?

Qui se souvient du retentissement qu’eut à l’époque son intervention sauvage au Palais de Chaillot en séance plénière de l’ONU « au nom des peuples du monde qui ne sont pas représentés ici » pour dénoncer « les Etats souverains (qui) nous divisent et nous mènent à l’abîme1 » et exiger l’installation d’un gouvernement mondial des peuples ?

On mesure l’engouement que suscita sa démarche : plus de 20 000 personnes pour l’écouter au Vel d’Hiv et le soutien d’un large éventail de personnalités (Einstein, Breton, Camus, Sartre, l’abbé Pierre, …) ! Cet engouement hélas sera de courte durée. Bientôt la guerre de Corée, premier acte de la Guerre Froide, brise l’élan qu’il avait su donner à son projet pacifiste mondialiste. Le temps n’est plus aux rêves, place à nouveau à la realpolitik !

Mettre fin aux Etats-nations, à leurs frontières sources de conflits et causes de guerres. Des guerres au nom des prétendus intérêts de leurs peuples, qui sont d’abord ceux des puissants qui les gouvernent. Et, « devant l’impuissance avouée des Etats, des Blocs, de l’ONU à défendre la vie menacée2 », place au seul gouvernement souverain, celui de tous les citoyens du monde, le seul capable de nous donner la paix.

Aujourd’hui, face à la guerre en Ukraine et aux autres dangers qui nous menacent, cet héritage intellectuel de Garry Davis retrouve tout son sens.

La guerre en Ukraine, source de désolations pour les populations qui s’y trouvent malgré elles entraînées, n’est qu’une énième illustration du caractère fondamentalement belliciste des Etats-nations que dénonçait Garry Davis.

Et pendant qu’elles s’épuisent dans des conflits d’affirmation de leur puissance, les « grandes puissances », celles qui influent sur les destinées du monde, se montrent incapables de relever les vrais défis auxquels ce monde se trouve confronté.

Multiples (pandémies, biodiversité, migrations...) et par nature sans frontières, ces défis nous concernent tous . Deux d’entre eux particulièrement, la maîtrise du réchauffement climatique et le désarmement nucléaire, car il en va de la survie même de l’humanité. Tous ces défis demandent des réponses élaborées au plan mondial par une instance où, sans filtre des Etats, s’exprimerait la volonté des peuples : en quelque sorte, en lieu et place de l’actuelle organisation des Etats-nations si mal unis, une Organisation des Peuples Unis (OPU) où siègeraient de véritables citoyens du monde !

Pour la paix du monde, faire revivre l’esprit de Garry Davis, n’est-ce pas là le principal défi ?

Roland de Penanros, l’Orange Bleue, n° 133

1 extrait de l’Appel à l’ONU du 19 novembre 1948
2 extrait du Pacte des Citoyens du Monde du 14 avril 1949