Edito, l’Orange Bleue, numéro 130

La mondialisation entraînant naturellement des changements dans les rapport inter-étatiques a modifié la conception de « frontières ». Le progrès des techniques dans le domaine de la communication a facilité les contacts et assuré une meilleure compréhension entre les peuples passant au-delà des échanges politiques officiels. S’ajoute à cela l’extension du marché international et l’interdépendance des nations dans leurs économies respectives.

Pourtant dans un contexte qui pourrait paraître favorable à un maintien, si ce n’est un développement de la paix dans le monde, l’effacement virtuel des frontières ne suffit pas à garantir une véritable sécurité :le terrorisme, le Covid, le nuage de Tchernobyl, les effets du réchauffement climatique, ne s’arrêtent pas aux limites des pays. Les divers conflits qui secouent la planète ne touchent pas que les pays belligérants. Ils ont pour conséquence les migrations qui, forçant l’ouverture des frontières créent de nouvelles formes d’antagonisme et favorisent le développement de phénomènes d’agressivité, de racisme.

Armes politiques pour les états, les frontières expriment une affirmation de puissance, de domination, de reconquêtes impérialistes ; objectifs non dissimulés d’un Erdogan nostalgique de l’Empire Ottoman, Poutine de la Grande Russie des Tsars, de Xi-Jinping exigeant « Une Chine » englobant Hong Kong et Taïwan . De telles visées menacent non seulement l’intégrité des pays concernés mais l’existence des nations elles-même. Dans un autre sens apparemment contradictoire elles sont aussi l’expression d’un repli dans le but de préserver la « sécurité du territoire ». Elles n’empêchent plus la sortie du pays mais elles en gardent égoïstement l’entrée , prétexte sécuritaire qui dissimule mal une fonction discriminante quand des barrières à peine entrouvertes pour les réfugiés syriens , se lèvent largement pour les Ukrainiens. Pourquoi les migrations nord-sud sont-elles mieux protégées que celles du chemin inverse ?

Il est pourtant des populations – les Palestiniens- qui réclament des frontières résultant d’un processus démocratique et à qui au contraire on impose un mur d’apartheid de 800 Kms de long, qui s’inscrit dans un projet d’expansion du territoire israélien qui engloberait les colonies récemment acquises.

Contemporaines ou d’un autre âge les frontières restent le baromètre des relations internationales.

En fait les première frontières à abattre sont invisibles, elles sont ancrées dans les esprits et s’en défaire reste pour nous, militants de la paix, notre principal combat.

Yvon Pichavant