Marseille l’a fait ! A Brest qu’est-ce qu’on attend ?

Elles étaient deux, Marseille et Brest , à avoir une école Bugeaud.

Marseille vient de décider de débaptiser la sienne. Qu’attend Brest pour en faire autant ?

Qu’un media d’audience nationale s’appuyant sur cette désormais singularité brestoise s’empare du sujet et nous sorte un article ou un reportage assassin avec un titre du genre :« Brest, la ville qui garde la nostalgie du temps des conquêtes coloniales » ? Un désastre pour l’image de notre cité qui se veut accueillante, dynamique, ouverte sur l’avenir !

N’attendons pas cette éventualité malheureuse pour dissocier le nom de l’école de celui de la rue où elle se trouve. Sans plus attendre donnons un nom de paix à l’école maternelle de la rue Bugeaud. Tel est le sens du courrier que l’Université Européenne de la Paix vient d’adresser au maire de Brest.

Roland Depenanros, L’Orange Bleue, n°125

Lettre adressée au maire de Brest le 28 mai 2021

Monsieur le Maire,

Les noms que la Collectivité choisit de donner aux sites dont elle a la charge représentent un élément fort de la mémoire collective. Les dénominations d’écoles, en particulier, loin d’être des sujets mineurs, sont des enjeux symboliques importants dans la représentation des événements historiques par les enfants et les familles qui les fréquentent autant que par les habitants du quartier .

Si les dénominations de lieux publics reflètent trop souvent une certaine immobilité culturelle, elles peuvent être aussi de nature à révéler des changements de mentalité, voire à les préparer ou à les anticiper. C’est le cas de l’école publique « Bugeaud  » que notre association souhaiterait voir renommer par la Ville de Brest, à l’instar de la Ville de Marseille qui a décidé de renommer l’école primaire du 3ème arrondissement.

En effet, notre association adhère à la déclaration du Maire de Marseille qui explique son choix par une volonté éducative  : « Une école de la République peut porter le nom d’un héros, mais pas celui d’un bourreau  ». « Chaque matin, des enfants rentrent sous un fronton où sont inscrits à la fois la devise de la République – “Liberté, Egalité, Fraternité” – et le nom de Bugeaud, ce qui est totalement contradictoire ». Nous avons changé d’époque. La légendaire casquette de Thomas Bugeaud ne peut plus masquer les crimes de celui qui déclarait à la Chambre des députés le 24 janvier 1845 : « J’entrerai dans vos montagnes ; je brûlerai vos villages et vos moissons ; je couperai vos arbres fruitiers, et alors ne vous en prenez qu’à vous seuls  ». A Brest, comme à Marseille, il est temps d’interpeller la pertinence d’une telle dénomination pour un lieu d’éducation.

Certes, à Brest comme ailleurs, les noms donnés aux lieux représentatifs révèlent des strates de l’histoire qu’il est sans doute plus intéressant d’expliquer que d’effacer. Mais ce qui vaut pour les noms de rues ne vaut plus pour une école, lieu d’apprentissage de la citoyenneté, du « vivre ensemble » et de l’altérité. Comment l’école pourrait-elle transmettre des valeurs chaque jour démenties par le nom de la personnalité honorée sur sa façade  ?

L’Université Européenne de la Paix attend de la Ville de Brest, sur ce sujet, une réflexion concertée avec les parents d’élèves et les enseignants afin d’aboutir à un choix de nom qui reflète un esprit de paix. Nous sommes persuadés qu’une telle démarche ne pourrait qu’être positive pour l’image de Brest et que notre cité s’honorerait d’inscrire un symbole de paix dans son paysage, comme marqueur d’une métropole qui ne transige pas avec les droits humains.

Enfin, il importe de rappeler que, selon l’historien Jean-Yves Guengant dont le livre sur l’école publique à Brest fait autorité, l’école Bugeaud n’a jamais été dénommée ainsi officiellement, et ne porte ce nom d’usage que par proximité avec la rue Bugeaud, ce qui laisse toute latitude à la Ville de Brest de proposer, en concertation avec les usagers, un nom qui soit en accord avec les principes de l’Ecole : promouvoir les valeurs humanistes dès les premières années de formation de l’enfant.

Veuillez agréer, Monsieur le Maire....,