Le carrefour de la Paix du quatrième trimestre avait comme thème « La guerre au Yémen et la question des ventes d’armes » Le texte ci-dessous reprend les principaux points qui y ont été débattus.. A l’issue de ce carrefour une pétition pour l’arrêt par la France de ses ventes d’armes aux belligérants était proposée dès le lendemain à la signature des visiteurs du marché de la solidarité. En quelques heures elle recueillera plus de 150 signatures. Elle a été remise le 14 décembre au député de Brest-Centre membre de la commission de la Défense Nationale.

Le Yémen est un petit pays de 27 millions d’habitants situé au sud-ouest de la presqu’ile arabique, à l’entrée de la Mer Rouge, face à Djibouti. De langue arabe, la population est majoritairement musulmane sunnite (60%) et chiite-zaydite (40%). Bien que l’héritage culturel y soit très riche, le pays est pauvre et le revenu par habitant est un des plus faibles du monde.

internationalisation du conflit en 2015

Le Yémen actuel correspond à l’unification, en 1990, de l’ancien royaume, puis République Arabe du Yémen au nord et de l’ancienne possession britannique d’Aden devenue République Démocratique populaire du Yémen (pro-soviétique) en 1967, au sud-est. Depuis les années 60, de nombreux conflits, attisés par les puissants voisins (Arabie Saoudite et Egypte entre autres) ont marqué l’histoire de ce pays.

En 2015, sur fond de lutte d’hégémonie régionale entre L’Arabie Saoudite (musulmans sunnites) et Iran (musulmans chiites) ainsi que de contrôle des réserves pétrolières yéménites et de routes maritimes du pétrole (porte d’entrée de la Mer Rouge), une coalition internationale sunnite, soutenue par les USA (Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Qatar, Koweït, Bahreïn, Egypte, Jordanie, Maroc, Soudan et Sénégal) lance une vaste offensive terrestre et aérienne contre la rébellion des Houthis (chiites zaydites) du nord qui contrôle la moitié ouest du pays et sa capitale Sanaa.

une situation humanitaire catastrophique

Le blocus des ports yéménites (en particulier Hodeïda) pratiqué par l’Arabie Saoudite avec l’aide des USA ainsi que les bombardements meurtriers de populations civiles depuis 2015 ont anéanti la fragile économie yéménite, qui ne survit actuellement que par une économie de guerre. L’acheminement de nourriture, d’aide humanitaire, de médicaments, de carburant est totalement bloqué. De nombreux morts sont à déplorer, en particulier d’enfants, victimes des bombardements, de la famine et des épidémies (choléra). Depuis 2017, à la suite de rapports d’experts, l’ONU dénonce enfin cette guerre disproportionnée et commence à parler de « crimes de guerre »…

le rôle de la France

La France continue à vendre des armes et en assurer la maintenance à l’Arabie Saoudite, et aux Emirats Arabes Unis, tous deux impliqués dans ce conflit. Elle a pourtant signé deux traités internationaux (position commune sur les ventes d’armes du conseil de l’Union Eurpéenne en 2008 et traté sur le Commerce des Armes de l’ONU de 2014) qui interdisent toute vente de matériels militaires et services associés à des pays susceptibles de les utiliser contre des populations civiles.

pour une autre politique internationale de la France

La France ne se contente pas uniquement de la vente d’armes, mais elle joue aussi, depuis longtemps, un rôle actif dans le soutient à la politique étrangère des Etats Unis et de leurs alliés dans cette région. C’est la France qui, en 2015, a porté la résolution 2216 du Conseil de Sécurité de l’ONU condamnant la rébellion Houthi et donnant le feu vert à l’Arabie Saoudite et ses alliés de la coalition pour bombarder, depuis 3ans ½, les populations civiles de ce malheureux pays.

on nous dit : « … si la France arrête de vendre de l’armement à ces états guerriers, d’autres pays le feront à sa place… ». C’est vrai et c’est bien pour cela que l’UEP lutte depuis de nombreuses années pour une « économie de paix ». Les chercheurs français ne seraient-ils compétitifs internationalement que dans le domaine militaire ? Et nos industriels de pointe ne pourraient-ils fabriquer que des radars militaires, des ogives nucléaires, des missiles, des chars et des drones d’attaque ?

rêvons : tout cet argent et cette énergie gaspillés pour semer la mort ne pourraient-ils servir au progrès, à la robotique industrielle, à la transition vers des énergies renouvelables et non polluantes, à la recherche médicale pour sauver des vies… ?

Cette guerre est dans une impasse, il faut qu’elle cesse ! La France doit retrouver son rang de « Patrie des Droits de l’Homme », stopper ses ventes d’armes à l’Arabie Saoudite ainsi qu’aux autres pays en guerre au Yémen et exiger, auprès du Conseil de Sécurité des Nations Unies, l’arrêt immédiat des combats.

Joël Rolet
 
 Paru dans l’Orange Bleue, numéro 112