Avis au lecteur d’Orange Bleue : Il y a de bonnes raisons de se préoccuper de minerais. Et si l’époque nous oblige à nous intéresser davantage au lithium, au cobalt et au cuivre (plutôt qu’au pétrole ou au gaz), il serait naïf de croire que les enjeux se résument à choisir entre être ‘pour’ ou contre les SUV électriques. Ben voyons ! La guerre des métaux (donc de ceux qui les détiennent) va nous sauter à la figure car la géologie, çà sert d’abord à faire la guerre. (pour reprendre la formule du géographe Yves Lacoste). Attention, lorsqu’on associe les minerais à la formule magique de ‘transition énergétique’, sachons que nous héritons de cette formule brandie dès la fin des années 60 par le savant atomiste Harrison Brown, impliqué dans le projet Manhattan. Quant aux minerais que tout le monde veut mordicus extraire de la croûte terrestre, on nous explique qu’ils sont recherchés pour leurs qualités à amorcer le virage énergétique et nous faire abandonner les matières fissiles. Soit. Mais on ne nous dit pas qu’ils sont sensés alimenter les secteurs de la défense et de l’aérospatiale. Or, nos industriels de la défense sont accros au néodyme, au tantale et au tungstène, au même titre que les secteurs de l’automobile et des éoliennes.

Pareil pour le lithium. Tout le monde vous dira que ce lithium renvoie aux batteries des voitures électriques. Mais ne nous leurrons pas : il est présent dans de nombreux systèmes d’armes comme les drones et il sert aussi à la propulsion des sous-marins.

Nul n’a besoin d’être géologue pour comprendre l’intérêt du nickel ; associé au minerai de fer, il permet de fabriquer des aciers spéciaux…, y compris pour les chars de combat.

Certes, le cobalt en provenance des mines de RDC est le métal des technologies de l’information : mémoires magnétiques, piles et électrodes de batteries. Mais il est utilisé à 75 % (de la consommation mondiale) pour produire des aciers spéciaux et des alliages.L’avion de combat américain F-35 de Lockheed-Martin en utilise près d’une demie-tonne.

Si l’aluminium et le titane figurent dans la liste officielle des minéraux critiques de l’U.E . , ce n’est pas en raison de leur utilité pour la transition énergétique mais parce qu’ils sont essentiels (surtout le titane) pour satisfaire les besoins du complexe militaro-industriel.

Ceux qui se font les promoteurs de ladite transition sont les mêmes que ceux qui réclament l’ouverture des mines ici et là, y compris dans le Finistère. Ils prétendent que le recours à ces minerais est la voie royale pour maintenir la température de la planète à moins de 2°C. Quelle imposture ! Cela ressemble aux incantations des forces armées qui veulent accompagner la décarbonation sans toucher aux infrastructures militaires, sans perturber les ‘impératifs opérationnels’. Alors même que la course aux armements va torpiller les efforts pour atténuer les méfaits de l’emballement climatique.

Ben Cramer, l’Orange Bleue, n° 137