Des poètes pacifistes à lire, du Japon à la Bretagne, en passant par l’Europe de l’Est

A la fin de la seconde guerre mondiale, le Japon a développé une culture pacifiste inscrite dans sa Constitution. L’article 9, intitulé « Renonciation à la guerre », affirme le refus de la force comme moyen de résolution des conflits internationaux et la non reconnaissance de la belligérance de l’Etat.

Mais l’adoption, en 2015, de la réforme militaire de Shinzo Abe (assassiné en pleine rue en 2022), a changé la donne. Adoptée dans une incroyable cacophonie (les parlementaires en sont venus aux mains), la réforme a permis de « normaliser » les forces d’autodéfense, c’est à dire, d’ouvrir la voie à une remilitarisation, avec un matériel technique le plus avancé d’Asie, un budget militaire qui dépasse celui de la France, et la levée de l’embargo sur les exportations d’armes.

C’est dans ce contexte de tensions exacerbées que le traducteur et comparatiste Seegan Mabesoone a eu la très bonne idée de réhabiliter les poètes pacifistes persécutés au Japon dans les années 1940. Avec trois publications : « « Haïkus de la Résistance japonaise (1929 -1945) », « Criminel pour quelques haïkus, mémoires de prison de Hosoya Genji », et « Cet été-là, j’ étais soldat, Mémoires de guerre de Tôta Kaneko », Mabesoone érige, avec la complicité des éditions Pippa, une modeste « stèle de papier » à ces Résistants oubliés.

Ces témoignages nous aident à comprendre, concrètement, les étapes de la fabrication du consentement à la guerre (en particulier les mémoires de prison de Hosoya), les souffrances du quotidien, l’absurdité des délires de puissance au regard de la condition humaine et de son extrême humilité.

En 2018, Seegan Mabesoone et le poète Tôta Kaneko constatent avec inquiétude que le souvenir de l’horreur de la guerre tend à disparaître de la mémoire collective des Japonais et tragiquement de celle des jeunes indifférents à la commémoration de criminels de guerre. Ils ont alors l’initiative d’ériger un monument à Ueda (préfecture de Nagano) à la mémoire des 45 poètes emprisonnés pendant ces sombres années, avec le modeste soutien du Brestois Alain Kervern, disciple de Tôta Kaneko.

Sur ce monument, on peut lire un haïku de Hosoya Genji :

Elle accroche le cadre « Mort pour la patrie »
Puis tombe accroupie
La veuve 

• Haïkus de la résistance japonaise (1929-1945),
• Criminel pour quelques haïkus, de Hosoya Genji,
• Tôta Kaneko, traducteur Seegan Mabesoone, Editions Pippa

Anne-Marie Kervern, l’Orange Bleue n° 133