Comme à chaque échéance présidentielle, l’Université Européenne de la Paix organisait le 29 mars dernier une soirée-débat sur les questions de défense, sécurité et paix. Y étaient invités tous les porte paroles locaux des candidats à l’élection présidentielle, à l’exception de celui du Front National.

Seuls Pierre-Yves Cadalen et Reza Salami, représentants respectifs de Jean-Luc Mélenchon et de Benoit Hamon ont répondu à notre invitation.

Parce qu’il contribue à forger l’opinion des citoyens, le débat public sur les programmes des candidats est un acte qui grandit la démocratie. Merci à nos deux représentants d’y avoir contribué.

P.Y. Cadalen ( Jean-Luc Mélenchon) ouvre le débat en précisant que le livret sur la défense du candidat Melenchon doit être présenté le vendredi suivant à Paris. Une décision forte prédomine dans le cadre du rapport de force mondial : sortir de cette machine de guerre qu’est l’OTAN. Concernant le commerce de l’armement , il considère comme totalement irresponsable la vente d’armes aux pays fauteurs de guerre ( ex ; l’Arabie Saoudite). Il s’oppose aux bombardements stratégique, préférant dans les conflits, avec mandat de l’ONU, s’appuyer sur les forces locales. Toutefois pour tout règlement des conflits, il réaffirme la solution pacifique de la négociation diplomatique, préférable à toute intervention armée. Il note qu’en refusant cette alternative, François Hollande a donné carte blanche à la Russie dans le conflit syrien. Il termine ce propos liminaire en insistant sur les risques de nouveaux conflits que peuvent générer les conséquence des changements climatiques, prônant la vigilance et le respect des décision de la COP 21.
Reza Salami (Benoit Hamon) met l’accent sur le fait qu’existent entre les deux candidats des positions « relativement » communes. Abordant le nucléaire il soutient la position du gouvernement sortant sur le maintien de la force de dissuasion, justifiant sa position par le climat d’insécurité mondial ( Ukraine, Inde, Pakistan, Syrie.). Il note que la France reste le seul pays de l’U.E. à avoir une capacité de défense complète. Il envisage par contre l’abandon du nucléaire civil pour une part à partir de 2025 et pour sa totalité en 2050. Il justifie le refus de la France de participer à la conférence de l’ONU sur le désarmement nucléaire, la situation internationale ne s’y prêtant pas , mais n’en rejette pas l’éventualité dans une période plus propice.

Le débat s’ouvre ensuite dans la salle sur la question du complexe militaro-industriel, ce qui permet à P.Y.C. de mettre l’accent sur les risques de privatisation de l’action militaire (existant déjà dans certains secteurs ) , il insiste sur le fait que dans une 6ème République les intérêts privés disparaîtraient de l’armement..R.S. préconise la sortie du système de surenchère d’armement propre à la 5ème République .
Il est compréhensible étant donné la jeunesse de l’assistance qu’un débat parfois passionné s’engage sur la proposition contenue dans le programme de Mélenchon d’un service militaire obligatoire. Un intervenant s’appliquant à démontrer qu’une telle proposition est propre à accentuer les inégalités sociales dans la jeunesse, d’autres au contraire voyant dans cette mesure une possibilité d’aider à une mixité sociale, allant même jusqu’à évoquer la possibilité d’incorporer pour un temps, la population des quartiers défavorisés dans la police nationale !…..Pour sa part R.S. insiste sur la non-pertinence d’un service militaire le jugeant anachronique, il y a d’autres problèmes à aborder pour une idée apaisée de la société avec les jeunes.
Sur initiative de P.Y.C. le débat rebondit sur le désarmement nucléaire . Il devra être multilatéral, élargi dans le cadre du TNP avec interdiction de production de matières fissiles destinées à l’armement. R.S. aborde quant à lui l’idée de la défense européenne, avec contrôle citoyen sur le parlement. P.Y.C rejette le concept d’Europe de la défense, la jugeant comme peu réaliste étant donné la diversité des pays la composant et des intérêts divergents qui prédominent ( Pologne ensemble des pays de l’est ).

Enfin, à la question d’un intervenant sur une culture de paix P.Y.C. ne pense pas nécessaire l’installation d’un ministère consacré, estimant cette question comme transversale et concernant l’ensemble des ministères.Quant à lui R.S. pense que la paix ne s’institue pas par injonction et qu’il est meilleur de s’appliquer à la réparation du « mal-être », mais créer un ministère de la Paix, dans les valeurs de liberté, égalité, fraternité, pourquoi-pas !….

S’il était illusoire en deux heures d’aborder tous les sujets, les présentations liminaires et les échanges avec la salle auront permis de dégager quelques points forts de convergence entre les candidats auxquels à l’UEP nous sommes sensibles (critique de la politique actuelle de ventes d’armes, reconnaissance de l’Etat Palestinien, abandon de l’état d’urgence...) et aussi de nettes divergences (sur l’OTAN, le service militaire, la défense européenne...). Sur un point, l’accord entre nos deux candidats nous inquiète particulièrement, celui du maintien de la dissuasion nucléaire et ceci sans argumentation véritable. Cette posture, malheureusement partagée par la plupart des candidats, témoigne à nos yeux de l’indigence, tant au niveau des armées que de la sphère politique, de la réflexion stratégique. Elle nous conforte dans notre détermination à multiplier les occasions de mettre la dissuasion nucléaire en débat sur la place publique.

Orange Bleue, n° 104