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À l’Onu, la France vote contre un traité d’interdiction des armes nucléaires

5 novembre 2016 – Par René Backmann : La France s’oppose à l’adoption par l’ONU d’une résolution d’interdiction des armes nucléaires

31 octobre 2016 – Paul Quilès, Ancien Ministre de la défense et président de IDN, Initiatives pour le Désarmement Nucléaire
6 Prix Nobel lancent un appel : Finissons-en avec la folie nucléaire. p 6

15 octobre 2016 - 101 députés et sénateurs demandent un référendum sur l’abolition desarmes nucléaires p 8

27 octobre 2016 – Des parlementaires français "Il faut en finir avec les armes nucléaires" p 12

25 septembre 2013 – Pierre Jasmin - Une bombe atomique américaine a failli frapper New York en 1961 p 15

23 septembre 2013 – Elise Delève (France Info)- Oser ensemble l’intransigeance p 17

13 août 2016 – Jean-Marie Muller
https://www.mediapart.fr/journal/international/051116/lonu-la-france-vote-contre-un-traite-d-interdiction-des-armesnucleaires
À l’Onu, la France vote contre un traité d’interdiction des armes nucléaires


5 novembre 2016 – Par René Backmann

Les Nations unies ont récemment adopté à une forte majorité une résolution historique, décidant l’ouverture de négociations sur l’élimination des armes nucléaires. Paris s’y est opposé, invoquant, curieusement, le risque que ferait courir une telle décision en matière de lutte contre la
prolifération…

Dans une surprenante discrétion, l’assemblée générale des Nations unies a récemment adopté une résolution qui décide l’ouverture en mars 2017 d’une conférence « ayant pour objectif la négociation d’un instrument juridique contraignant visant à interdire les armes nucléaires en vue de leur élimination complète ». Cette résolution « L.41 » vise, en clair, à faire adopter par l’Onu un traité d’interdiction des armes nucléaires. Elle a été proposée par l’Afrique du Sud, l’Autriche, le Brésil,
l’Irlande, le Mexique et le Nigeria, rejoints par 28 autres pays dont l’Indonésie, la Nouvelle-Zélande et la Thaïlande.

Sur les 193 États membres des Nations unies, 177 ont participé à ce vote et 123 – soit 69,4 % des votants – ont approuvé la résolution, 16 se sont abstenus et 38 ont voté contre. La France, comme quatre (États-Unis, Russie, Royaume-Uni, Israël) des neuf puissances nucléaires mondiales, déclarées ou non, a voté contre cette résolution.

La quasi-totalité des 28 pays de l’Otan (à l’exception des Pays-Bas qui se sont abstenus sous pression de leur parlement) et une dizaine d’autres pays bénéficiant du parapluie nucléaire américain ont également voté contre.

Parmi les autres puissances nucléaires déclarées, la Chine, qui a signé le traité de non-prolifération (TNP), le Pakistan et l’Inde, qui ne l’ont pas signé, ont choisi de s’abstenir, comme la Finlande, la Suisse ou le Maroc. Surprise : la Corée du Nord, neuvième puissance nucléaire, qui s’est retirée en 2003 du TNP, a voté en faveur de la résolution.

S’exprimant au nom des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France, la représentante permanente de Paris auprès de laConférence du désarmement, Alice Guitton, qui occupait jusqu’en 2012 la même fonction auprès de l’Otan, a justifié le rejet du texte par Paris, Washington et Londres en affirmant,sans crainte du paradoxe, que « le fait de négocier une prohibition internationale des armes nucléaires ne nous rapprochera aucunement de l’objectif d’un monde exempt
d’armes nucléaires ».

Alors que, selon le Quai d’Orsay, la France « entend oeuvrer à un monde plus sûr » et « s’engage activement et de façon concrète conformément aux objectifs du TNP en matière de désarmement nucléaire », la diplomate a également avancé que « l’interdiction de l’arme nucléaire n’améliorera pas, en soi, la sécurité internationale et ne renforcera pas la confiance et la transparence entre les États possesseurs de l’arme nucléaire, pas plus qu’elle ne permettra de prendre en compte les enjeux
techniques et procéduraux induits par la vérification du désarmement nucléaire ».

Les neuf puissances nucléaires disposent actuellement de plus de 15 000 armes – dont 300 pour la France, qui ne cesse de moderniser son arsenal. La négociation d’un traité d’interdiction serait donc, pour Paris, préjudiciable au maintien de la paix et de la sécurité internationales, notamment en fragilisant le TNP. Un autre diplomate français a même avancé qu’un traité d’interdiction pourrait« ouvrir une brèche en matière de non-prolifération ».


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Alice Guitton, représentante permanente de Paris auprès de la Conférence du désarmement.

Sans réelle surprise, ce sont des arguments voisins qu’ont employés les 21 membres de l’Otan, rejoints par l’Australie, la Corée du Sud et le Monténégro, pour justifier leur rejet du texte. Quant au représentant russe Vladimir Yermakov, il est allé plus loin encore, arguant que l’adoption précipitée d’un traité d’interdiction serait « destructrice, catastrophique, perfide » et « précipiterait le monde dans le chaos et l’instabilité ».

L’opposition frontale de cinq puissances nucléaires et de leurs alliés et obligés, ainsi que l’abstention de trois autres puissances nucléaires, constituent un obstacle de taille pour les promoteurs de cette résolution, qui doit encore être confirmée par l’assemblée générale de l’ONU en décembre. Mais le soutien spectaculaire que le texte a obtenu lors du vote offre aux partisans du désarmement nucléaire, largement majoritaires, un levier précieux pour agir sur les détenteurs de l’arme atomique. « Le climat international actuel doit susciter de toute urgence un surcroît d’intérêt de la part du monde politique sur les questions de désarmement et de non-prolifération, la
promotion du désarmement multilatéral et l’instauration d’un monde sans armes nucléaires », écrivent dans leur préambule les rédacteurs de la résolution.

« Les puissances nucléaires vont sans doute boycotter ces négociations, admet Daryl Kimball, directeur de l’Arms Control Association, interrogé par l’AFP, mais ce nouveau processus inédit va aider à délégitimer davantage encore les armes nucléaires. »3

« Une nouvelle fois, la France est allée à l’encontre de la volonté d’une majorité de pays qui entendent interdire les armes nucléaires, et cela en contradiction avec les beaux discours de ses représentants sur le renforcement de la sécurité internationale et la lutte contre la prolifération nucléaire, s’indigne Paul Quilès, ancien ministre de la défense du gouvernement Fabius, et président d’Initiatives pour le désarmement nucléaire (IDN).

Organiser un référendum ?
Alors qu’un « cahier d’enseignement moral et civique » destiné aux classes de 3e, tombé entre les mains des animateurs d’IDN, explique aux élèves comment « l’arme nucléaire française permet de soutenir la liberté et la démocratie », il est clair qu’il n’y a rien à attendre du gouvernement en matière de pédagogie du désarmement nucléaire. Ni en matière de réflexion sur la pertinence et l’efficacité de ses options stratégiques. Paris, qui a dépensé depuis les années 1960 près de 300
milliards d’euros pour développer, construire et moderniser sa « force de frappe », reste aveuglément fidèle à sa doctrine de la dissuasion nucléaire. Elle a cependant montré ses limites avec la multiplication des conflits conventionnels et la prolifération du terrorisme.

Pourtant, les initiatives en faveur d’une interdiction des armes nucléaires se multiplient. Le 27 octobre, 101 députés et sénateurs ont appelé à un référendum demandant aux Français de se prononcer pour ou contre la ratification par la France d’un « traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires sous contrôle international strict et efficace ». Il ne manque plus à cette initiative que 84 signatures (pour représenter 1/5e du Parlement) et le soutien de 10 % des électeurs inscrits pour qu’une proposition de loi organisant la consultation puisse être déposée.

Le même jour, le Parlement européen adoptait par 415 voix contre 124 et 74 abstentions une résolution soutenant le texte des Nations unies. Quelques jours plus tôt, six prix Nobel (dont José Ramos-Horta, Mohamed Yunus et Kailash Satyarthi, prix Nobel de la paix 1996, 2006 et 2014) avaient lancé un appel commun sous le titre « Finissons-en avec le nucléaire ».

François Hollande est-il de taille à affronter un tel défi ? Manifestement, non. Même en faisant abstraction du contexte pré-électoral actuel, le chef de l’État a manifesté un si faible intérêt pour les enjeux stratégiques et une telle révérence devant les choix des militaires qu’il serait illusoire d’attendre de lui une attitude ferme et courageuse sur ce point. Souvenons-nous : c’est bien ce président qui ignorait encore – ou qui avait déjà oublié – en juillet 2015, lorsqu’il répondait aux questions des journalistes à l’occasion de la fête nationale, qu’Israël détenait, depuis près d’un demi-siècle, grâce à l’aide française, l’arme nucléaire…


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http://www.huffingtonpost.fr/paulquilas/intediction-armes-nucleaires-onu/
La France s’oppose à l’adoption par l’ONU d’une résolution d’interdiction des
armes nucléaires

31/10/2016 06:00 CET | Actualisé 31/10/2016 06:00 CET

Paul Quilès Ancien Ministre de la défense et président de IDN, Initiatives pour le Désarmement Nucléaire

Désormais, les États non nucléaires, en très grande majorité, s’apprêtent à accroître leur pression sur les puissances nucléaires en se saisissant de l’agenda du désarmement. Depuis des mois, la France ne cesse d’aller à l’encontre de la volonté exprimée par une majorité de pays d’établir une norme juridique contraignante de prohibition des armes nucléaires. Le 27 octobre dernier, à l’ONU, elle a confirmé cette position en votant contre le projet de résolution L.41 proposé par 34 États, intitulé "Faire avancer les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire".

Elle a émis le même vote que les États-Unis, le Royaume-Uni mais aussi la Russie et Israël ; un non-sens total ! Les pays non nucléaires de l’OTAN ont voté dans le même sens, de peur de contrarier leur protecteur américain, seuls les Pays-Bas s’abstenant sous la pression de leur Parlement.

Les armes nucléaires sont les dernières armes de destruction massive à ne pas être
soumises à une interdiction.

Opposés aux puissances nucléaires, 123 États (Autriche, Suède, Irlande, Mexique, Brésil, Afrique du Sud, Malaisie, Nouvelle Zélande...) ont voté cette résolution, qui va faire de 2017 l’année de la négociation d’un "instrument juridiquement contraignant visant à interdire les armes nucléaires en vue de leur élimination complète".

Il faut rappeler que les armes nucléaires sont les dernières armes de destruction massive à ne pas être soumises à une interdiction (Convention sur l’interdiction des armes biologiques - 1972, Convention sur l’interdiction des armes chimiques - 1993).

Depuis 1970 (entrée en vigueur du Traité de Non-Prolifération- TNP) cinq pays bénéficient du droit de disposer de ces armes, mais à la condition d’en négocier "de bonne foi" l’élimination. Or, quarante-six ans plus tard, il existe toujours plus de 15 000 armes nucléaires et tout est bloqué dans les faits en matière de désarmement nucléaire multilatéral depuis 1996, date de la signature duTraité d’interdiction complète des essais nucléaires.

Le vote négatif de la France –qui est intervenu dans un regrettable silence médiatique

  • contredit tous les beaux discours de ses représentants.

Le projet d’interdiction internationale de l’arme nucléaire dont il est question aujourd’hui est porté depuis de nombreuses années par un grand nombre d’ONG, comme la Croix Rouge ou la Campagne Internationale pour l’Abolition des Armes Nucléaires (ICAN). Il ne s’agit pas de la revendication d’un mouvement d’idéalistes, mais d’un objectif concret de politique internationale pour près des deux tiers des pays de la planète.

Le vote négatif de la France –qui est intervenu dans un regrettable silence médiatique - contredit tous les beaux discours de ses représentants sur le renforcement de la sécurité internationale et la lutte contre la prolifération nucléaire. Il heurte la conscience et le bon sens. Imagine-t-on aujourd’hui un pays qui s’opposerait à l’interdiction des armes de destruction massive chimiques ou biologiques ?

Pour s’opposer à l’adoption du principe d’interdiction totale et complète des armes nucléaires, la représentante permanente de la France à la Conférence du désarmement a affirmé[1] qu’il fragiliserait le TNP et serait de ce fait préjudiciable au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Cela signifie-t-il que les armes nucléaires garantissent la paix et la sécurité internationale ? Ce n’est pas la conclusion la plus évidente que l’on peut tirer de la succession actuelle des crises et conflits. Quant à notre représentant permanent adjoint, il est allé plus loin encore en affirmant qu’un traité d’interdiction allait "ouvrir une brèche en matière de nonprolifération" ; alors même qu’au contraire il a pour objet de rendre ces armes illégales... De tels discours pourraient eux-mêmes être considérés comme des incitations involontaires à laprolifération nucléaire !

Les États non nucléaires, en très grande majorité, s’apprêtent à accroître leur
pression sur les puissances nucléaires en se saisissant de l’agenda du désarmement.

La perspective d’un traité d’interdiction des armes nucléaires est soutenue par un vaste mouvement d’opinion à l’échelle mondiale. C’est ainsi que les parlementaires européens viennent d’adopter le 25 octobre 2016, à une large majorité, une résolution appuyant le projet de l’ONU. Ils y soulignent, contrairement à la plupart des gouvernements de l’Union européenne, "qu’une telle démarche viendra étayer les objectifs et obligations consacrés par le TNP en matière de non-prolifération et de
désarmement, et contribuera à créer des conditions favorables pour la sécurité internationale et un monde sans armes nucléaires". Ce mouvement global d’opinion s’explique notamment par une prise de conscience de plus en plus aigüe des conséquences humanitaires d’une explosion, délibérée ouaccidentelle, d’un engin nucléaire.

Les votes récents de l’Assemblée générale des Nations Unies sont le signe d’un changement profond. Désormais, les États non nucléaires, en très grande majorité, s’apprêtent à accroître leur pression sur les puissances nucléaires en se saisissant de l’agenda du désarmement. Une nouvelle période de l’histoire du désarmement nucléaire s’ouvrira en 2017. Avec l’organisation Initiatives pour le Désarmement Nucléaire (IDN)[2], nous souhaitons que la France y participe de manière constructive. Devant la gravité des enjeux, la poursuite de la politique de la chaise vide serait irresponsable et contradictoire avec les valeurs que la diplomatie de notre pays entend défendre et promouvoir.

[1] Déclaration faite au nom du P3 (États-Unis, Royaume-Uni, France)
[2] IDN http://www.idn-france.org./ signature du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.


6 Prix Nobel lancent un appel  : Finissons-en avec la folie nucléaire.

Date de mise en ligne : samedi 15 octobre 2016

FINISSONS-EN AVEC LA FOLIE NUCLEAIRE.

Ce mois-ci, les Nations Unies ont l’occasion de faire un grand pas vers l’élimination des armes nucléaires. C’est une chance qu’il ne faut pas laisser passer.

Il y a plus de quarante ans, les nations disposant d’arsenaux nucléaires et les États non nucléaires sont entrés dans le Traité de Non-Prolifération (TNP) ; les États nucléaires - États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine promettaient, si les États sans armes nucléaires acceptaient de ne pas s’en procurer, d’engager des négociations de bonne foi en vue d’éliminer leur propres arsenaux.

Dans les année s suivantes, les trois États qui ne signèrent pas le TNP - l’Inde, le Pakistan et Israël – se sont dotés d’armes nucléaires. Mais tous les États non-nucléaires qui l’avaient signé, excepté la Corée du Nord, ont tenu leur engagement.

Malheureusement, les puissances nucléaires n’ont pas respecté leur part du marché. Les États-Unis et la Russie ont démantelé un grand nombre de leurs armes nucléaires depuis la fin de la Guerre froide, mais ils en ont gardé des milliers, de quoi détruire le monde bien des fois.

Plus grave encore, ces puissances ont clairement fait savoir qu’au mépris de leurs obligations selon le traité, elles n’ont pas l’intention d’éliminer leurs arsenaux. Au contraire, tous les États qui possèdent aujourd’hui des armes nucléaires se sont engagés dans des programmes de modernisation massive de leurs arsenaux. À eux seuls, les États-Unis ont prévu de dépenser 1000 milliards de dollars pour cette modernisation au cours des 30 prochaines années.

Les États nucléaires ont beau prétendre que leurs arsenaux servent uniquement à dissuader leurs pairs d’une attaque nucléaire, en fait leurs doctrines militaires disent tout autre chose. Les États-Unis par exemple n’excluent pas d’être les premiers à utiliser des armes nucléaires, même contre des États qui n’en ont pas. La Russie prévoit d’utiliser des armes nucléaires très tôt dans un conflit conventionnel avec l’OTAN. De même, le Pakistan menace d’utiliser des armes nucléaires tactiques
contre les forces conventionnelles indiennes. L’Inde menace de riposter avec ses forces nucléaires stratégiques.

Face à une telle intransigeance, la plupart des États qui ne possèdent pas d’armes nucléaires ont décidé d’agir. Ils ne prévoient pas de se construire des armes, mais exigent que les puissances nucléaires tiennent leurs engagements.
En 2013 et 2014, plus de 150 pays se sont retrouvés -à Oslo, au Nayarit (Mexique) et à Vienne dans une série de conférences historiques sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, pour attirer l’attention sur les conséquences réelles d’une guerre atomique. Ces conférences ont examiné les dernières données scientifiques, qui montrent que même une guerre nucléaire limitée, impliquant moins de 0,05 % des arsenaux mondiaux, provoquerait une perturbation climatique catastrophique sur toute la planète et une famine qui pourrait affecter jusqu’à 2 milliards de personnes.

Selon d’autres données, un conflit majeur entre les États-Unis et la Russie causerait unbouleversement climatique encore plus grand, entraînant un hiver nucléaire qui ferait périr la majeure partie de l’espèce humaine et pourrait provoquer son extinction.
En réponse à ces avertissements de la communauté scientifique et médicale, plus de 100 nations se sont réunies à Genève au cours des derniers mois, au sein d’un Groupe de travail à composition non limitée (OEWG) convoqué par l’Assemblée générale de l’ONU afin d’étudier les moyens de mettre la pression sur les États nucléaires pour qu’ils désarment.

La recommandation de ce Groupe de travail sera soumise ce mois-ci à l’Assemblée générale. Une résolution présentée par l’Autriche, le Brésil, l’Irlande, le Mexique, le Nigéria et l’Afrique du Sud appelle l’ONU à convoquer officiellement en 2017 une conférence de négociations pour conclure un nouveau traité interdisant la possession d’armes nucléaires.

Ce « Traité d’interdiction » ne remplacera pas une véritable convention d’élimination des armes nucléaires, que devront négocier les puissances nucléaires et qui aura à établir un calendrier rigoureux de démantèlement des armes nucléaires, assorti de mécanismes précis de mise en oeuvre et de vérification. Mais il créera une nouvelle norme puissante, applicable aux armes nucléaires et les définissant non plus comme le symbole du statut des grandes nations, mais comme la marque d’infamie des États voyous.

Il restera beaucoup à faire pour que ce traité amène les puissances nucléaires à désarmer, mais leur furieuse opposition à ce traité prouve qu’elles sentent déjà la pression, avant même que les négociations aient commencé.

Les États non-nucléaires doivent tenir bon et poursuivre leur effort historique pour protéger l’humanité de la grave menace que font peser sur elle les armes nucléaires.
Quant aux citoyens des États nucléaires, ils doivent incriminer leurs gouvernements pour leur refus inadmissible de respecter les obligations auxquelles ils sont tenus par un traité, et les forcer à négocier l’élimination de ces armes, qui représentent la plus grande menace pour la sécurité de tous les peuples à travers le monde.

* José Ramos-Horta, Ancien Président du Timor Oriental, Prix Nobel de la Paix 1996
* Muhammad Yunus, Prix Nobel de la Paix, Fondateur de Grameen Bank
* Kailash Satyarthi, Prix Nobel de la Paix 2014, Fondateur de la Satyarthi Children’s Foundation
* Sir Richard J. Roberts, Ph.D. F.R.S., Prix Nobel de Physiologie ou de Médecine (1993)
* Prof. Brian Schmidt, Prix Nobel de Physique (2011)
* Ira Helfand, co-Présidente de International Physicians for the Prevention of Nuclear War, Prix Nobel de la Paix (1985)
Source : Huffington Post
Traduction : ACDN


https://reporterre.net/101-deputes-et-senateurs-demandent-un-referendum-sur-l-abolition-des-armes

101 députés et sénateurs demandent un référendum sur l’abolition des armes nucléaires

27 octobre 2016 – Des parlementaires français

L’Assemblée générale de l’ONU pourrait convoquer en 2017 une conférence internationale sur l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires. La France s’y oppose et modernise son arsenal. À rebours, une centaine de parlementaires lancent un appel pour un référendum sur le désarmement nucléaire.

Au 27 octobre, 101 ont signé cet appel, dont 82 député(e)s, 10 sénatrices et 9 sénateurs. La liste complète suit la tribune. Cet appel intervient alors qu’à New York, la Commission du désarmement des Nations unies examine une proposition qui devrait être soumise dans un mois à l’Assemblée générale de l’ONU : une conférence internationale visant à établir un traité d’interdiction et d’élimination des armes nucléaires.

L’humanité, aujourd’hui menacée dans sa dignité et son existence, doit disposer d’un droit fondamental : le droit à la survie, avec pour corollaire le droit des peuples à disposer de leur survie. Ce droit implique l’abolition des armes nucléaires, armes de destruction massive, de massacre, de crime contre l’humanité. Totalement inopérantes pour juguler le terrorisme, elles lui empruntent le même mépris pour la vie humaine en le multipliant. Elles menacent d’anéantir des millions de
personnes, des populations entières, et l’humanité elle-même, car une guerre nucléaire rendrait la terre invivable.

Un tel pouvoir d’anéantissement est concentré entre les mains d’une dizaine de chefs d’État qui peuvent décider d’en user à tout moment, sans procès ni appel, et exécuter eux-mêmes leur sentence dans le quart d’heure qui suit leur décision. Jamais les peuples des États dotés d’armes nucléaires n’ont été consultés, pas plus que ceux des États non dotés, alors qu’ils sont tenus de les financer et qu’elles mettent en jeu leur propre survie aussi bien que celle des autres peuples !

Le sous-marin français « Le Terrible ». Lancé en 2008, il appartient à la dernière génération de sous-marins français et participe au dispositif de la dissuasion nucléaire permanente.

La France, pour sa part, dispose de ces armes depuis 1960. Elle leur a consacré plus de 300 milliards d’euros et elle ne cesse de les développer. Ses 300 bombes pourraient faire près d’un milliard de morts.

Cette situation bafoue les droits de l’homme, car une seule bombe atomique, ce sont « des centaines de milliers de morts, des femmes, des enfants, des vieillards carbonisés en un millième de seconde, et des centaines de milliers d’autres mourant au cours des années suivantes dans des souffrances atroces : n’est-ce pas un crime contre l’humanité ? » (Alain Peyrefitte à Charles de Gaulle, le 4 mai 1962).

Le peuple français peut ouvrir la voie à un monde sans armes nucléaires

Elle est contraire au droit international, qui fait obligation aux États nucléaires ayant ratifié, comme la France, le traité de non-prolifération (TNP), « de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace » (Cour internationale de justice, avis consultatif du 8 juillet 1996).

Contraire à la Constitution française, qui place les droits de l’homme au-dessus de tout et impose leur respect, ainsi que le respect des traités.

Contraire au bon sens, car il est illogique de défendre les valeurs républicaines, dont la fraternité, en menaçant de commettre des crimes contre l’humanité ; illogique de lier les « intérêts vitaux » de la France à l’emploi d’armes fatalement suicidaires contre un pays qui en aurait aussi ; illogique deprétendre garantir sa sécurité par ces armes, tout en les interdisant aux autres ; illogique d’encourager ainsi leur prolifération, tout en prétendant la combattre ; illogique de vouloir faire des économies et de gaspiller des milliards dans des engins de mort inutilisables contre d’autres États nucléaires, incapables de dissuader des terroristes, et redoutables entre leurs mains, s’ils parviennent à s’en procurer.

Contraire à la démocratie, enfin, car le peuple français n’a jamais été consulté et l’on sait par un récent sondage que trois Français sur quatre répondraient oui à la question : Voulez-vous que la France négocie et ratifie avec l’ensemble des États concernés un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? »

Trois Français sur quatre, également, veulent être consultés par référendum sur cette question et sont prêts à soutenir une proposition de loi d’origine parlementaire qui l’organiserait.

Ainsi, le peuple français peut ouvrir la voie à un monde sans armes nucléaires. Nous appelons les membres du Parlement à lui en offrir l’occasion, et l’ensemble des électeurs français à apporter en temps voulu, par voie électronique, leur soutien à cette initiative.

Nous délivrer de l’épée de Damoclès atomique, ce sera renforcer à la fois notre sécurité et notre liberté, dans le plein respect des droits de l’homme et de la devise républicaine : liberté, égalité, fraternité.

LES 101 PARLEMENTAIRES SIGNATAIRES DE CET APPEL AU 26 OCTOBRE

Laurence ABEILLE (94), Patrick ABATE (S.57)*, Brigitte ALLAIN (24), Sylviane ALAUX (64), Pouria AMIRSHAHI(HhdF9°C)**, Isabelle ATTARD (14), Danielle AUROI (63), Pierre AYLAGAS (65), Serge BARDY (49), Huguette
BELLO (974), Esther BENBASSA (S.94), Michel BILLOUT (S.77), Marie-Christine BLANDIN (S.59), Michèle BONNETON (38), Corinne BOUCHOUX (S.49), Christophe BOUILLON (76), Kheïra BOUZIANE-LAROUSSI (21), Jean-Pierre BOSINO (S.60), Sylviane BULTEAU (85), Sabine BUIS (07), Jean-Jacques CANDELIER (59), Fanélie
CARREY-CONTE (75), Patrice CARVALHO (60), Nathalie CHABANNE (64), Gaby CHARROUX (13), André CHASSAIGNE (63), Jean-Michel CLEMENT (86), Laurence COHEN (S.94), Sergio CORONADO (HhdF3°C)**, Jean-Jacques COTTEL (62), Pascale CROZON (69), Cécile CUKIERMAN (S.42), Yves DANIEL (44), Marc DOLEZ
(59), Ronan DANTEC (S.44), Annie DAVID (S.38), Florence DELAUNAY (40), Michelle DEMESSINE (S.59), Jean DESESSARD (S.75), Evelyne DIDIER (S.54), Fanny DOMBRE COSTE (34), Françoise DUBOIS (72 ), Cécile DUFLOT (75), William DUMAS (30), Jean-Louis DUMONT (55), Marie-Hélène FABRE (11), Martine FAURE (33), Hervé FERON (54), Thierry FOUCAUD (S.76), Hugues FOURAGE (85), Jacqueline FRAYSSE (92), Geneviève GAILLARD (79), André GATTOLIN (S.92), Renaud GAUQUELIN (69), Jean-Patrick GILLE (37), Joël GIRAUD (05),
Brigitte GONTHIER-MAURIN (S.92), Linda GOURJADE (81), Jean GRELLIER (79), Edith GUEUGNEAU (71), Chantal GUITTET (29), Chaynesse KHIROUNI (54), Jacques KRABAL (02), Bernadette LACLAIS (73), Conchita LACUEY (33), François-Michel LAMBERT (13), Jérôme LAMBERT (16), Pierre LAURENT (S.75), Anne-Yvonne LE DAIN (34), Annick LE LOCH (29), Marie-Thérèse LE ROY (29), Michel LE SCOUARNEC (S.56), Bernard LESTERLIN (03), Serge LETCHIMY (972), Noël MAMERE (33), Jacqueline MAQUET (62), Marie-Lou MARCEL (12), Jean-René MARSAC (35), Véronique MASSONNEAU (86), Kléber MESQUIDA (34), Paul MOLAC (56), Philippe NOGUES (56), Dominique ORLIAC (46), Hervé PELLOIS (56), Philippe PLISSON (33), Elisabeth POCHON (93), Christophe PREMAT (FhdF2°C)**, Christine PRUNAUD (S.22), Catherine QUERE (17), Marie-Line REYNAUD (16), Marcel ROGEMONT (35), Barbara ROMAGNAN (25), Jean-Louis ROUMEGAS (34), Maina SAGE (987), Nicolas SANSU (18), Eva SAS (91), Gabriel SERVILLE (973), Jonas TAHUAITAI (987), Suzanne TALLARD (17), Catherine TROALLIC (76), Cécile UNTERMAIER (71).

• S = sénateur ou sénatrice
• ** FhdF = Français établis hors de France


LE RÉFÉRENDUM D’INITIATIVE PARTAGÉE ET LE TRAITÉ D’INTERDICTION DES ARMES NUCLÉAIRES

Le vote du groupe de travail de l’ONU sur le désarmement nucléaire, le 19 août, à Genève, en faveur de l’organisation d’une conférence internationale sur l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires en 2017.

La réforme constitutionnelle de 2008 a ouvert la possibilité d’organiser un référendum à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement [1] si cette initiative, une fois validée par le Conseil constitutionnel, reçoit le soutien d’un dixième des électeurs inscrits [2]. Le recueil des soutiens citoyens s’effectue par voie électronique sur le site du ministère de l’Intérieur, chaque électeur pouvant l’apporter directement en fournissant quelques éléments d’identification simples et vérifiables, ou bien par l’intermédiaire de fonctionnaires de mairie spécialement habilités. Le recueil débute lorsque la proposition de loi est publiée au Journal officiel et peut durer 9 mois.

Une conférence internationale chargée d’élaborer un traité d’interdiction

Toutefois, ce recueil ne peut avoir lieu pendant les 6 mois précédant des élections générales, telles que la présidentielle et les législatives de 2017. Il pourrait débuter le 1er août 2017 si la proposition de loi référendaire reçoit les signatures de 185 députés et sénateurs sur 925 avant la fin de l’actuelle législature. Les électeurs désirant la soutenir doivent donc inviter dès maintenant les députés et sénateurs à la signer au plus vite. Le Parlement renouvelé en juin 2017 devra l’examiner quand la seconde condition aura été remplie. S’il ne le fait pas dans les 6 mois, le président de la République sera tenu d’organiser le référendum.

La présente initiative, due à l’Action des citoyens pour le désarmement nucléaire [3], est portée par le groupe des parlementaires pour l’abolition des armes nucléaires [4]. Elle s’inscrit dans le mouvement mondial, civil et gouvernemental, d’abolition des armes nucléaires, qui est sur le point d’obtenir la convocation par l’Assemblée générale de l’ONU, en 2017, d’une conférence internationale chargée d’élaborer un traité d’interdiction des armes nucléaires. La France a déjà fait savoir qu’elle ne voulait pas y participer et qu’elle continuerait à moderniser ses armes nucléaires,
bien qu’elle se soit engagée, en ratifiant le traité de non-prolifération (TNP) en 1992, à négocier leur élimination. D’où la nécessité du référendum.

[1] Soit 185 députés et sénateurs sur 925.
[2] Selon l’Insee, 44.834.000 électeurs étaient inscrits sur les listes au 1er mars 2016.
[3] ACDN, contact : contact@acdn.net.
[4] Contact : cquere@assemblee-nationale.fr.
Source : Courriel à Reporterre

– Dans les tribunes, les auteurs expriment un point de vue propre, qui n’est pas
nécessairement celui de la rédaction.
– Titre, chapô et inters sont de la rédaction.

Photos :
. chapô : Explosion de Ivy Mike, la première bombe H testée, le 1er novembre 1952, sur un atoll des îles Marshall. Wikipedia (National Nuclear Security Administration / Nevada Site Office / domaine public)

. « Le Terrible » : Wikipedia (Wmeinhart/CC BY-SA 3.0)
. Genève : © Jean-Marie Matagne/ACDN


25 septembre 2013 – Pierre Jasmin

L’ONU se réunit jeudi 26 septembre pour discuter de la fin des armes nucléaires. Longtemps impuissant, le mouvement pour l’élimination de ces armes de destruction massive a repris de la vigueur depuis quelques années.

Jeudi 26 septembre, à New York, le secrétaire-général de l’ONU Ban Ki-moon ouvrira, cinq ans après l’annonce de son plan en cinq points pour l’élimination des armes nucléaires - sa motivation principale à entreprendre un second mandat à la direction de l’ONU –, la première réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le désarmement nucléaire, appuyée par une grande majorité de pays et l’immense majorité des citoyens du monde.

17 000 armes nucléaires présentent un danger permanent de mort ou de chantage, suite à une fausse alerte, un court-circuit, une erreur humaine ou un vol de matériel fissile par des terroristes.

Telle que prônée par les Républicains américains, une « guerre nucléaire limitée » aurait eu pour effet d’anéantir notre civilisation, en raison des nuages de particules qui stagneraient dans la haute atmosphère empêchant toute récolte.

Un rapport alarmant de la Croix rouge internationale démontre que tous les établissements médicaux et médecins du monde ne suffiraient pas à la tâche. La Cour internationale de justice a émis en 1996 un avis consultatif selon lequel toute utilisation d’armes nucléaires serait illégale en raison des effets disproportionnés qu’elle aurait sur l’environnement et les populations civiles, parce que les dommages ne pourraient être limités ni dans le temps ni dans l’espace.

Le seul fait de menacer de s’en servir, comme le font, par exemple, l’OTAN ou les pays détenteurs de ces armes – Corée du Nord, Inde, Israël, Pakistan, plus les cinq membres permanents du Conseil de « sécurité » de l’ONU, Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie, – constitue un crime, en vertu du droit international humanitaire.

Soixante ans après que le président Eisenhower eut affirmé que le complexe militaro-industriel représentait la plus grande menace à la sécurité mondiale, des compagnies telles Lockheed Martin et Northrop Grumman fabriquent des drones armés, des avions furtifs et offensifs F-35 et des armes nucléaires.

Ce site Web révèle les liens de nos institutions bancaires « respectables » avec les fabricants d’armes de destruction massive. Nos lecteurs francophones les découvriront en Belgique (Ackermans & van Haaren, Dexia et groupe KBC), en France (BNP Paribas, Crédit agricole, Financière de l’échiquier, le Groupe BPCE et la Société Générale France) et au Canada (Banquesde Montréal, de la Nouvelle-Écosse, Royale, Toronto-Dominion, Power Corporation et Financière Sun-Life).

Devant la puissance des oligarchies bancaires, il serait trop facile de verser dans le
cynisme et l’inaction.

Au contraire, Alyn Ware, coordonnateur mondial du réseau Parlementaires pour la non-prolifération nucléaire et le désarmement (PNND), rapporte qu’« un processus prometteur de désarmement nucléaire a débuté à Genève du 14 au 24 mai 2013. L’Open Ended Working Group on Taking Forward Multilateral Nuclear Disarmament Negotiations, fondé par l’Assemblée générale de l’ONU, a insufflé de l’air frais dans un environnement politique qui stagne depuis 17 ans ».

"Il en coûte des milliards pour maintenir ces armes démodées"

L’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe à Istanbul le 3 juillet 2013, a entériné ces nouveaux développements à l’unanimité grâce à une motion présentée par Uta Zapf, coprésidente de PNND et chef adjointe de la Délégation du Parlement allemand. Le 25 juin 2013, Ed Markey, aussi coprésident des PNND, a été élu au Sénat américain :

« Nos systèmes d’ogives nucléaires ont été pensés dans l’optique de remporter la Guerre froide et ne reflètent pas les menaces actuelles. Il en coûte des milliards pour maintenir ces armes démodées. En période de réduction des services gouvernementaux essentiels et des dépenses consacrées à la sécurité sociale, à l’assurance-maladie, à l’éducation et à la recherche, nous ne pouvons continuer de gaspiller des ressources en nous appuyant sur l’idée obsolète qu’un arsenal
nucléaire considérable nous protège. »

Conformément à l’article VII du Traité de non-prolifération, sept zones libres d’armements nucléaires couvrent presque toute la superficie de l’hémisphère sud et des parties de l’hémisphère nord. À Ottawa en octobre 2012, Pugwash Canada a exhorté les pays circumpolaires d’établir une telle zone dans l’Arctique.
Le 17 juin dernier, le président russe Vladimir Poutine et le président américain Barack Obama se sont réunis, malgré leurs divergences d’opinions sur la Syrie, avec la volonté commune de retrancher davantage d’armes nucléaires de leur arsenal respectif. Si Obama à Berlin a réitéré sa rhétorique antinucléaire tenue à Prague en 2009, l’avaient toutefois précédé les discours par John F. Kennedy [1] en 1962 et Ronald Reagan [2] en 1984.

Faut-il donc être optimiste ou pessimiste devant ce 26 septembre ? Pessimiste, vous contribuez à son échec. Optimiste, la Conférence d’Oslo sur l’impact humanitaire des armes nucléaires a obtenu un grand succès en mars 2013 en dépit du boycottage pratiqué par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité : la conférence a attiré 127 gouvernements, grâce aux efforts conjugués du gouvernement norvégien et des organisateurs de l’International Campaign to Abolish Nuclear
Weapons (ICAN).

Une rencontre de suivi se tiendra au Mexique au début de 2014 en vue d’éliminer les armes nucléaires de la surface de la Terre d’ici 2030. Davantage d’informations positives sont accessibles dans mon article publié il y a quatre jours par Affaires universitaires et surtout dans le guide produit par Rob van Riet et Alyn Ware, Promouvoir la non-prolifération et le désarmement nucléaires, dévoilé à Québec l’automne dernier lors de la 127e réunion de l’Union interparlementaire, réseau
mondial formé de 800 parlementaires.

L’arme nucléaire, « utilisée » pour la dernière fois en 1945, fait désormais face à une vive opposition, en particulier en Allemagne et au Japon qui appuient « la mission de l’UNESCO de bâtir la paix et la sécurité, en resserrant les liens entre l’éducation, la science et la culture, pour garantir le respect universel de la justice, de la loi, des droits de la personne et des libertés fondamentales ».

"Ce n’est pas par d’autres déclarations hypocritement vertueuses de présidents américains, mais par un engagement solide de la société civile que le complexe bancaire-universitaire-industriel-militaire pourra être vaincu. Pourquoi ne pas changer dès aujourd’hui d’institution bancaire ? "

Notes
1- « Le monde n’a pas été conçu comme une prison où l’homme attend son exécution. Et l’humanité n’a pas survécu aux tests et épreuves de milliers d’années pour tout abandonner maintenant, jusqu’à sa propre existence. Cette nation a la volonté et la foi pour entreprendre un effort ultime pour briser la résistance au
désarmement et à la non-prolifération – et nous persévérerons en vue de la victoire, c’est-à-dire jusqu’à ce que la règle de la loi remplace le toujours périlleux usage de la force. »
John F. Kennedy, 1962

2- « Peuples de l’Union soviétique, il n’y a qu’une seule gouvernance saine, pour votre pays et le mien, afin de préserver notre civilisation en ces temps modernes : une guerre nucléaire ne ferait aucun vainqueur et ne doit jamais être livrée. La seule valeur pour nos deux nations détentrices d’armes nucléaires est de s’assurer qu’elles ne soient jamais utilisées. Mais alors ne serait-il pas préférable de s’en débarrasser entièrement ? »
Ronald Reagan, 1984

Source : Pierre Jasmin pour Reporterre.

Pierre Jasmin est vice-président des Artistes pour la Paix, professeur de musique à l’Université du Québec à Montréal, membre de Pugwash Canada et du Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire.

Dessin : Paru dans le Chicago Tribune le 12 août 1945.


Lire aussi : Une bombe atomique américaine a failli frapper New York en 1961
https://reporterre.net/Une-bombe-atomique-americaine-a

Une bombe atomique américaine a failli frapper New York en 1961
23 septembre 2013 – Elise Delève (France Info)

Un document secret déclassifié a révélé qu’en 1961, l’explosion d’une bombe nucléaire a été évitée de justesse aux États-Unis. Un bombardier s’est disloqué en vol et a laissé échapper deux bombes sur la côte Est.

La catastrophe a été évitée grâce à un interrupteur.

Deux bombes atomiques ont été lâchées accidentellement au dessus de la Caroline du Nord en 1961, sur la côte Est américaine. Une information révélée par Le Guardian qui s’est procuré un document secret déclassifié.

Les bombes étaient 260 fois plus puissantes que celle d’Hiroshima. Elles auraient pu toucher New York, Washington, Philadelphie et Baltimore. L’une est finalement tombée « dans un champ de Caroline du Nord, son parachute de sécurité coincé dans un arbre », écrit le Guardian, « et la deuxième est tombé dans une prairie près d’une route ».

Le rapport obtenu par le journaliste Eric Schlosser montre que les bombes se trouvaient dans un bombardier B-52 qui s’est disloqué en vol. L’une des deux s’est comportée exactement comme si elle avait été larguée intentionnellement, malgré les mécanismes de sécurité. Son parachute s’est ouvert et le processus de mise feu s’est enclenché. La catastrophe a été évitée d’extrême justesse grâce à un modeste interrupteur à faible voltage.

Le gouvernement américain nie

En 1969, l’ingénieur d’un laboratoire chargé de la sécurité mécanique de l’arsenal nucléaire a affirmé que trois des quatre dispositifs censés empêcher une mise à feu accidentelle n’ont pas fonctionné correctement ce jour là. « La bombe MK 39 Mod 2 ne possédait pas les mécanismes de sécurité appropriés pour un usage aéroporté à bord d’un B-52 », explique-t-il.

A l’époque, les autorités américaines ont nié que des vies aient été menacées. Eric Schlosser affirme quant à lui qu’au moins « 700 accidents impliquant 1 250 armes nucléaires ont été enregistrés » entre 1950 et 1958. « Le gouvernement américain a constamment essayé de cacher cette information pour éviter les questions relatives à notre politique sur les armes nucléaires », dit-il.

Source et photo : France Info
Complément d’information : Une bombe nucléaire larguée dans le Saint Laurent, au Québec, en 1950

Lire aussi : L’échec du missile atomique M 51 rappelle que la France viole le Traité de non prolifération
Dessin publié avec l’aimable autorisation de Plantu, paru dans Le Monde du 1er janvier 1984. ©Plantu 2016. Tous droits réservés.


Oser ensemble l’intransigeance
Face à la possibilité du meurtre nucléaire
Oser ensemble l’intransigeance

Jean-Marie Muller* Le 13 août 2016

Bon Jour,

Suite à de nombreux échanges avec plusieurs interlocuteurs, nous sommes parvenus à la même conviction à propos du désarmement nucléaire : après les déclarations du Président Obama à Hiroshima (27 mai 2016) – selon lui, les nations devront se défendre par l’arme nucléaire tant que nous ne serons pas « capables de faire disparaître la capacité des hommes à faire le mal (sic !!!) » - il n’est plus possible de penser que les États dotés de l’arme nucléaire accepteront de signer un Traité d’interdiction dans un avenir prévisible.

Au demeurant, cela n’est pas nouveau et nous le savions depuis déjà longtemps, mais ce qui déjà apparaissait impossible est devenu aujourd’hui strictement impensable. En outre, d’autres informations nous parviennent qui attestent d’une aggravation terrifiante de la prolifération horizontale des États nucléaires :

• L’Allemagne sera bientôt dotée de nouvelles armes nucléaires américaines :
https://fr.sputniknews.com/international/201608131027270773-allemagne armesnucleaires-usa/

• Les plans US de continuer la course aux armes nucléaires sont « complètement fous » : https://fr.sputniknews.com/international/201608121027265047-plans-us-course-armenucleaire/

• - Coup de tabac sur l’Europe, « la paix froide » :
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/coup-de-tabac-sur-l-europe-la-paix-183651
Dans ces conditions, continuer à nourrir l’illusion d’un prochain Traité interdiction des armes nucléaires est totalement in-compréhensible. J’avoue être désemparé pour tenter d’expliquer une telle disposition d’esprit. Ne faut-il pas faire preuve d’une totale cécité pour ne pas voir une telle évidence ?
Je pense que le moment est venu, afin même de surmonter ce désaccord, de constituer un front d’opposition déterminé à l’encontre de ceux qui affirment que le désarmement nucléaire multilatéral est possible dans les prochaines années, alors même qu’aucun argument – aucun – ne peut être avancé en faveur d’une telle possibilité. Le fait est qu’au sein même de la mouvance unilatéraliste, d’aucuns font valoir qu’il ne serait pas convenable de s’opposer frontalement aux multilatéralistes. Leur choix, disent-ils, doit être respecté. Ils doivent être considérés comme des partenaires et non des adversaires. Certes, les multilatéralistes ne sont pas nos « ennemis », mais ils sont vraiment nos « ad-versaires » en ce sens précis qu’ils sont « tournés-contre-nous » et « s’opposent-à-nous ».

Cette adversité est fortement dommageable car elle brise l’unité du mouvement antinucléaire en France et, de ce fait, entrave sa dynamique. Tout doit donc être fait pour tenter de la surmonter.
Les « ad-versaires » ont vocation à devenir des partenaires. Non seulement l’unilatéral et le multilatéral ne s’opposent pas, mais ils se renforcent l’un l’autre. Et cette cette complémentarité doit se retrouver en chaque citoyen et non pas entre deux camps qui s’opposent et rivalisent.

Soyons clairs : l’erreur n’est pas de préconiser le multilatéralisme, l’erreur est de ne paspréconiser l’unilatéralisme. L’erreur, pour les citoyens des pays dotés, c’est de refuser l’option du désarmement nucléaire unilatéral. L’erreur, c’est, dans l’attente du désarmement international, de maintenir l’armement national. Préconiser un « désarmement mondial, multilatéral, progressif et simultané », c’est se donner bonne conscience en formulant voeu pieu qui n’engage strictement à rien et ne peut avoir aucun impact sur la réalité.

Cette erreur est indissolublement éthique, politique, stratégique et économique.
Le désarmement multilatéral est la solution idéale dans l’absolu, mais c’est dans la réalité que nous devons agir. Et la réalité nous oblige aujourd’hui à reconnaître l’impossibilité du désarmement multilatéral.

Le moment est venu d’avoir l’audace de l’intransigeance.
Laissons derrière nous la peur d’être accusés d’intolérance. Face à l’intolérable nucléaire, le moment est venu de revendiquer la vertu d’intolérance. De nous prévaloir de la rudesse de l’inflexibilité.

S’il est un sujet à propos duquel, l’intransigeance, c’est-à-dire l’impossibilité de toute
compromission, doit être appliquée, c’est précisément le meurtre nucléaire qui est la négation et le reniement de tout principe moral.

Certes, les accusations risquent de redoubler, mais quand on voit l’erreur, comment ne pas la récuser ? Très honnêtement ?

Tout en condamnant l’erreur, il convient de tout faire pour que ce désaccord ne devienne pas une « question de personnes ». Il convient de respecter les personnes, mais l’erreur n’est jamais respectable... Faisant abstraction des personnes, il s’agit de s’en tenir aux faits et, en l’occurrence, les faits sont têtus. Extrêmement.
D’aucuns, voudraient croire et nous faire croire que la dernière Conférence de Genève qui a rassemblé plusieurs États non dotés et des organisations des sociétés civiles a ouvert la porte à un traité d’interdiction. Mais il n’en est rien.

À propos de cette Conférence de Genève, les Parlementaires pour la non-prolifération et le désarmement nucléaire (PNND) écrivent dans leur Lettre d’information :

“ Le groupe des États bénéficiant d’une dissuasion élargie, qui peut se subdiviser en deux catégories : ceux qui furent très ouverts aux dialogues (Japon, Australie principalement) et ceux qui sont restés (Allemagne, Belgique, Italie) assez fermés à la discussion, indiquant que l’absence des États nucléaires ne permettait pas d’avoir une véritable réflexion. Mais dans les deux cas, tous ont indiqué que leur politique de défense — du fait d’accords avec l’Otan et les États-Unis — est basée sur la dissuasion et ne leur permet pas de remettre en cause l’arme nucléaire (c’est moi qui souligne).” On ne saurait être plus clair.

Dans un communiqué publié le 13 juin 2016), le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) affirme : « Les données montrent que bien que le nombre total des armes nucléaires dans le monde continue de baisser, aucun des États dotés d’armes nucléaires n’est prêt à renoncer à ses arsenaux nucléaires dans un avenir prévisible. » En outre cette réduction quantitative s‘accompagne d’une modernisation qualitative. Il faut également souligner que la somme des milliards consacrés chaque année à la fabrications de ces armes de terreur est en
constante augmentation. Déjà, ce seul fait constitue un scandale inacceptable.
Certes, c’est une très bonne chose que les citoyens des États non dotés et que ces États eux-mêmes exigent un traité d’interdiction, mais ils n’ont malheureusement pas le pouvoir de forcer les États dotés à signer un tel traité.

Pour nous, citoyens français, la manière la plus sure d’exiger un Traité d’interdiction des armes nucléaires, c’est de commencer par décider de nous les interdire à nous-mêmes.

Pour nous, citoyens français, ne pas exiger le désarmement nucléaire unilatéral de la France c’est, que nous le voulions ou non, nous accommoder de la dissuasion nucléaire française.

Ne pas exiger le désarmement nucléaire de la France, c’est nier et renier l’exigence morale et politique du désarmement.

En outre, entretenir l’illusion d’un prochain désarmement mondial multilatéral, c’est dissuader les citoyens d’exiger le désarmement unilatéral. La demande d’un désarmement nucléaire mondial ne peut créer aucun débat au sein de l’opinion publique dès lors que tout le monde est d‘accord avec cette idée qui ne dérange personne. À quoi bon ? Il suffit d’attendre des lendemains qui chanteront un monde exempt d’armes nucléaires. Le plus grave, c’est que le discours multilatéraliste entrave la mobilisation citoyenne en faveur du désarmement unilatéral.

D’autant plus qu’en toute hypocrisie, les États dotés eux-mêmes ont déguisé le maintien de leurs armements nucléaires aux couleurs du désarmement mondial.

D’aucuns croient pouvoir affirmer que la campagne internationale pour obtenir un traité
d’interdiction des armes nucléaires actuellement en cours “sera très vraisemblablement un succès en 2017 compte tenu des prises de positions actuellement affichées au niveau international”. Mais comment est-il possible de croire en un tel succès qui, à l’évidence, est totalement exclu ?

Certains avancent que le renoncement unilatéral de la France à l’armement nucléaire ne changerait rien à la situation apocalyptique du monde étant donné la faiblesse de l’arsenal français par rapport aux arsenaux mondiaux. Mais cette comptabilité arithmétique de la quincaillerie nucléaire est totalement dérisoire. Ce qui importe c’est l’extraordinaire retentissement politique mondial qu’aurait la décision de l’État français de renoncer unilatéralement à l’arme nucléaire..

Encore une fois, il n’est pas demandé aux multilatéralistes de renoncer à leurs convictions multilatérales. Il leur est demandé de les renforcer par un engagement unilatéral. Faut-il espérer que le temps qui passe sans que les États dotés n’apportent le moindre signe de leur volontéde désarmer finira par faire son oeuvre et que les multilatéralistes reviendront de leur positionnement ? Ou faut-il craindre, au contraire, que plus le temps passe, plus l’unification de la mouvance antinucléaire deviendra difficile. La difficulté devient alors psychologique et tout argument rationnel se trouve écarté.

Seul l’avenir dira ce qu’il adviendra....

Malheureusement, comme il est dit dans la chanson !
« Le temps perdu ne se rattrape guère,
Le temps perdu ne se rattrape plus ».

Philosophe et écrivain, Jean-Marie Muller est notamment  l’auteur de Libérer la France des armes nucléaires, La préméditation d’un crime contre l’humanité, Chronique sociale, 2014.

 Voir la pétition en faveur du désarmement unilatéral de la France organisée par le MAN :
www.francesansarmesnucleaires.fr
Site personnel : www.jean-marie-muller.fr

francecontreinterdictionarmesnucleaires.pdf