Prise de parole d’Anne- Marie Kervern (UEP) lors du rassemblement du 11 novembre à Primelin

Au nom de l’Université Européenne de la Paix, je remercie les organisateurs de ce rassemblement fraternel. Il est l’occasion de rappeler que le seul combat qui vaille est celui de la paix et de l’amitié entre les peuples

Il y a des mots dont l’indécence saute aux yeux quand on les met au regard de la somme des souffrances et de l’hécatombe humaine de la première guerre mondiale. Le mot « victoire », par exemple, est dérisoire face aux 18 millions de morts et des trois millions d’hectares de terres riches transformés en déserts. Oui, le travail pour la paix a plus de grandeur que l’enjeu du combat.

Cette cérémonie est l’occasion de rappeler que cette guerre fut précédée d’une course aux armements au profit des grandes banques et d’un complexe militaro-industriel florissant. Il nous faut aussi rappeler le lourd tribut payé par les troupes coloniales ...pour quelle reconnaissance ?, l’abomination des fusillés pour l’exemple dont la réhabilitation collective, plus de cent ans après, n’est toujours pas acquise, et nos proches dont l’effrayante litanie des noms sur les monuments de Bretagne est encore aujourd’hui un traumatisme dans nos familles.

En ce 11 novembre 2021, je voudrais rappeler la mémoire des femmes, les oubliées de la Grande Guerre.

L’hommage à la femme du soldat inconnu du 26 août 1970 ne peut avoir lieu car les femmes qui se présentent avec des fleurs à l’Arc de triomphe sont arrêtées par la police pour violation d’un espace sacré. Ce n’est pas une provocation, juste un rappel important du rôle des femmes dans la guerre.

Les femmes, il ne faut pas les imaginer passives, attendant en larmoyant le retour du soldat. En milieu populaire, elles sont au travail : comme infirmières sur le front, mais aussi et surtout, dans les champs où elles remplacent à mains nues les chevaux réquisitionnés. À l’usine, elles sont recrutées sur les chaînes de production des industries d’armement, avec des salaires inférieurs de 40% à celui des hommes. Beaucoup d’entre elles, empoisonnées par le TNT et le mercure y laisseront leur vie. Elles ont la tâche colossale de continuer à faire tourner le pays.

Puis vient l’armistice : on leur demande alors de laisser leur place aux hommes de retour du front, et d’assurer leur « mission » de repeuplement d’un pays dont la démographie est au plus bas. Fin de l’émancipation !

J’évoque ces femmes obscures parce qu’elles ont subi une énorme injustice, celle de l’oubli, celle de ne pas avoir le droit de vote alors qu’elles ont assuré toutes les tâches alimentaires et domestiques dans un contexte de terribles pénuries. Si je rappelle leur histoire aujourd’hui c’est parce qu’il n’y a pas de projet de paix sans justice sociale.