EDITO ORANGE BLEUE, N° 122
« De leurs épées ils forgeront des socs de charrues ». Cette prophétie matérialisée par la statue de bronze visible au siège des Nations Unies à New-York est l’illustration dans sa version moderne d’une aspiration à la transformation des usines d’armement en industries pacifiques.
Partout dans le monde des voix s’élèvent pour protester contre le surarmement et son exploitation commerciale, l’arme nucléaire étant visée en priorité. La ratification du Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires par 50 états, parmi les 122 membres de l’ONU l’ayant déjà adopté, présente un énorme progrès en ce domaine. ( voir article en ce numéro ). En France, bien que plus de 70 % de la population se prononce contre l’arme nucléaire, le gouvernement s’obstine dans ses positions rétrogrades. Malgré cela les opinions évoluent, des organisations ouvrières se posent ouvertement une question essentielle : peut-on se satisfaire de la vente d’armement parce qu’elle génère du travail ? Et d’appeler à « agir en faveur d’un désarmement maîtrisé et réglementé de tous les types d’armes et en premier lieu du désarmement nucléaire ( y compris unilatéral ) »*.
Il est évident que l’on ne peut se contenter d’invoquer une reconversion sans se préoccuper de son contenu. Il s’agit là d’un défi technique, économique, social, et humain qui demande une réflexion sur un plan-programme discuté longtemps à l’avance pour en déterminer les choix de substitution. 165000 salariés travaillant dans les entreprises produisant de l’armement subissent les lois d’un marché parfois nauséabond. Ils connaissent comme beaucoup d’autres la menace du chantage à l’emploi. Il est impossible d’opérer une quelconque transformation en l’isolant de ce contexte qui amène à considérer la production et les ventes d’armes comme un marché entrant dans le circuit international ordinaire. Il faut que cesse un trafic qui se nourrit exclusivement du terrorisme, de l’extension des conflits dans le monde.
Dans un tel environnement le défi de la reconversion met en évidence la nécessaire transformation des mentalités. Aussi à la conception punitive de la défense largement répandue devrait se substituer la conception préventive de la sécurité. Une réflexion populaire sur le devenir des industries d’armement ne pourra qu’accélérer le désarmement.
* « L’engagement de la CGT pour la Paix » ( 06/06/2017 )
Yvon Pichavant