« Guerre froide : L’homme qui sauva le monde » raconte l’histoire de Stanislas Petrov, colonel de l’armée soviétique. En pleine guerre froide ( 1983 ),alors que son système de surveillance détecte 5 missiles US fonçant sur l’URSS, il fait le pari d’une fausse alerte. Le film nous interpelle sur :
Le sang froid et la rapidité de la décision : Petrov n’a que quelques minutes pour décider de l’action. Qu’en serait-il aujourd’hui avec les technologies émergentes où l’intelligence artificielle introduit une extrême rapidité dans la boucle décisionnelle ? Quelques secondes ? Moins ?
Risques techniques : Le système de surveillance a mal interprété la réflexion des rayons du soleil sur les nuages. Quels risques aujourd’hui dans le domaine de la « dissuasion » ? Dans son livre « Command and Control », Eric Schlosser recense 1 200 accidents militaires nucléaires entre 1950 et 1968.

L’autonomie du sujet : Petrov choisit de ne pas suivre le protocole établi et remarque : « II est plus facile d’obéir ». N’est-ce pas la phrase clé du film ? Petrov active la possibilité de se gouverner lui-même, de suivre sa propre loi, selon ce que lui dicte sa raison et son éthique. Quelle place à la décision avec les systèmes d’armes autonomes qui sélectionnent des cibles et s’exercent contre elles sans intervention humaine ? L’usage d’armes létales autonomes, comme le robot tueur Kargu-2 utilisé en Lybie, brouille les limites de la responsabilité : Il est urgent que la société civile s’engage dans la réflexion sur un problème éthique posé par une situation anthropologique nouvelle. En effet, la possibilité de fabriquer des armes, non simplement pilotées à distance (comme les drones) ni des armes simplement programmées, mais de produire un système doté d’un cerveau électronique avec capacité d’auto-apprentissage et de décision, cette possibilité n’est plus imaginaire, elle est effective.

L’esprit critique et le doute rationnel : Petrov ne constate aucune preuve d’attaque massive, il ne voit que cinq missiles balistiques sur les écrans de contrôle, il utilise son esprit critique de préférence à l’obéissance : « Quand on déclenche une guerre, on ne la commence pas en lançant seulement cinq missiles. On fait peu de dégâts avec cinq missiles », commentera-t-il plus tard. Au temps des « fake news », enseigner l’esprit critique est de la responsabilité de l’école, et des associations. Association d’éducation populaire, l’UEP s’y emploie.

Anne-Marie Kervern, l’Orange Bleue n°132