Vraiment, quelle drôle d’idée que de faire un edito sur ce thème dans l’Orange Bleue n’est-ce pas ? Mais, à y regarder de plus près, nous pouvons établir un parallèle entre la violence guerrière et la violence dont font preuve certains jardiniers envers notre mère Nature.

En effet, il suffit de se rendre dans une jardinerie pour prendre conscience de l’arsenal dont nous disposons pour faire la guerre à ces pauvres petites bêtes qui, il faut bien le reconnaître, provoquent un certain agacement lorsque nous constatons que les plants de salades repiqués la veille ne sont plus que de la dentelle. Et alors, nous nous épuisons à rechercher les coupables : ces gastéropodes honnis. Nous utilisons donc de nombreuses techniques d’élimination, toutes plus cruelles les unes que les autres : les noyer dans la bière, les empoisonner, les couper, les écraser… alors qu’il suffirait d’admettre que, faisant partie de la biodiversité, il serait plus intelligent de leur ménager un petit carré de choux dont ils se délecteront, laissant ainsi nos autres légumes croître sans problème… ou de laisser faire les merles et les hérissons pour lesquels ils constituent le sommet de la gastronomie.

De même, pourquoi s’obstiner à retourner rageusement la terre ? Nous avons à notre disposition toute une faune qui travaille à notre place : vers de terre, collemboles, fourmis… et qui, s’ils ne sont pas dérangés, et sont protégés par un tapis de feuilles l’hiver, enrichiront et ameubliront le substrat dans lequel il n’y aura plus qu’à planter au printemps… Que de peine épargnée !

Et, cerise sur le gâteau, vous pourrez vous livrer à une quantité d’observations sur le petit peuple des jardins qui s’installera dans votre coin de paradis. Un écosystème équilibré se mettra en place d’année en année, les prédateurs assureront la régulation des insectes ou gastéropodes en trop grand nombre. Si trop de chenilles grignotent vos belles feuilles, attendez l’arrivée des mésanges et dites-vous que les papillons viendront au printemps faire la fête et émerveilleront vos enfants et petits enfants. Cette richesse n’a pas de prix !

Alors, de grâce, ne vous obstinez plus à faire la guerre dans votre jardin et adoptez les principes de la permaculture préconisés par Gilles Clément. Les stratégies de paix et de non-violence sont, avouez-le, nettement plus profitables dans tous les domaines.

Soazic Quéré, Edito l’Orange Bleue, n° 127