Pour éclairer le débat il importe d’essayer de définir au mieux ce qu’on entend par Violence et Non violence.

Dom Helder Camara, un évêque brésilien artisan de la Théologie de la Libération, disait :

"Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés. La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première. La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres. Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue."

Pour définir la non-violence, il faut d’abord dire ce qu’elle n’est pas : ce n’est ni de la résignation, ni de la gentillesse, ni le refus de la lutte. La non-violence est d’abord un combat pour la justice sociale et un supplément d’humanité par l’utilisation de moyens qui respectent l’Autre.

Partant du constat que c’est bien l’État qui possède les moyens de la violence, il faut déjouer le piège et ne pas se battre là où nous sommes attendus. "Les moyens violents, ceux qui sont (paraît-il) efficaces ne sont pas entre les mains des travailleurs mais à la disposition de la minorité qui domine." [1]

Ainsi, la capacité de violence des oppresseurs sera-t-elle toujours démesurément plus grande que la capacité de violence des opprimés. D’où le choix de la non-violence.

Dans l’histoire, la non-violence a déjà obtenu de grands succès. En Inde avec Gandhi, le combat de Martin Luther King pour les droits civiques des noirs aux États-Unis. Plusieurs dictateurs ont été déboulonnés sans violence : que ce soit Marcos aux Philippines, Milosevic en Serbie, le Shah d’Iran ….

En 1989 le mur de Berlin s’est écroulé sans utilisation d’armes. En Palestine la non-violence prend une place importante dans la lutte.

Pour rompre avec le cercle infernal, le décret de la non-violence est sans appel : aucune violence ne saurait être légitime.

Cependant "Considérer que la violence est illégitime ne revient pas à dire qu’elle n’est jamais nécessaire. Il est des moments où, confrontés à l’urgence, nous sommes dans l’incapacité de trouver d’autres moyens : la violence vaut alors mieux que la lâcheté, la mollesse ou la complaisance. Face à un kamikaze bardé d’explosifs, la non violence ne remet pas en question le tir mortel des forces de l’ordre." [2]

La vraie question qui se pose est celle de la fin et des moyens. Peut-on édifier une société démocratique, sociale, apaisée en employant des armes, en commettant des attentats, des exécutions ? Pierre Vidal-Naquet et Laurent Schwartz avec d’autres nous apportent un éclairage. Dans leur "Appel pour la moralité et la vérité en politique" de 1973 ils écrivaient : "Il n’y a pas de problème de la fin et des moyens. Les moyens font partie intégrante de la fin. Il en résulte que tout moyen qui ne s’orienterait pas en fonction de la fin recherchée doit être récusé au nom de la morale politique la plus élémentaire."

Respecter l’intégrité physique et morale des personnes sans pour autant être nécessairement d’accord avec leurs choix qui doivent faire l’objet de débats : telle devrait être la règle d’une société civilisée.

Fanch Hénaff, Edito l’Orange Bleue n°124

[1MAN : Mouvement pour une Alternative Non-violente

[2Pascal Tozzi "La non-violence face au terrorisme"
Téléchargement gratuit : https://www.eclm.fr/livre/la-non-violence-face-au-terrorisme/