Au pays des droits de l’Homme on ne s’autoriserait pas à vendre des armes à des régimes autoritaires et belliqueux qui pourraient les retourner contre leur propre population ou celles des États où ils mènent des guerres. D’ailleurs le pays des droits de l’Homme n’a t-il pas été l’un des premiers à signer les conventions internationales interdisant de vendre des armes à des États exerçant ces pratiques criminelles ? [1]

Oui, mais les ventes hier de grenades et lance grenades à l’autocrate tunisien Ben Ali , plus récemment de véhicules blindés au régime répressif du Général Sissi ?

Rien à voir. Nos engagements internationaux portent sur les matériels de guerre, or il s’agit ici de matériel de maintien de l’ordre. Nuance !

Oui mais au Yemen, ces matériels français retrouvés sur le champ de bataille, ces chars Leclerc, ces canons Caesar engagés dans les combats, ces Mirage 2000-9 responsables de raids meurtriers sur les populations civiles ? [2]

Et aussi en Libye où, malgré l’embargo, Emirats Arabes Unis, Arabie Saoudite et Turquie interviennent régulièrement avec des matériels français (Mirage 2000-9 des EAU responsable du raid meurtrier sur un camp de migrants à Tadjoura, noria d’avions turc Airbus A400M livrant en armes une des parties au conflit) ? [3]

Il s’agit là de matériels que nous avons vendu avant que ces pays se mettent dans l’illégalité, on ne pouvait pas savoir...

Sauf qu’on le sait maintenant et qu’en violation des traités que nous avons signés, on continue à en assurer l’entretien et à former les militaires appelés à les utiliser [4]...

Pourquoi le pays des droits de l’homme se rend-il coupable de telles entorses ?

Parce que des grandes démocraties, il est le seul où la représentation nationale n’a pas de droit de regard sur les ventes d’armes. Que ce soit au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas, ou aux Etats-Unis, partout où un réel contrôle parlementaire s’exerce, les tentations des exécutifs de vendre sans faire grand cas de l’éthique se trouvent sérieusement bridées [5].

A l’Université Européenne de la Paix nous soutenons bien sûr l’action menée par l’Observatoire des armements, Amnesty International, la FIDH pour qu’à l’instar des autres démocraties notre pays se dote d’une structure de contrôle parlementaire de ses ventes d’armes. En attendant que ce soit au niveau de l’ONU, de l’ONU rénovée que nous appelons de nos vœux et qui devrait devenir la seule instance détentrice de la violence légitime, que se règlent les décisions en matière de production et de transfert d’armements.

Roland de Penanros, l’Orange Bleue, Edito, n° 123

[1Position commune européenne de 2008 et traité onusien sur le commerce des armes de 2013

[3enquête Lighthouse reports, ARTE,Mediapart « les bonnes affaires de l’industrie française »

[4enquête Lighthouse reports,ARTE, Mediapart « les bonnes affaires de l’industrie française »

[5sur le sujet voir Les notes de l’Observatoire des armements n°5 novembre 2020.