Vous avez aimé le confinement imposé par le corona virus ? Vous adoreriez le confinement auquel vous contraindrait un conflit nucléaire. Si bien sûr, parce que suffisamment éloigné d’une grande agglomération ou de tout autre site stratégique visé par les missiles et bombes nucléaires (l’île Longue par exemple), vous ne faites pas partie des millions de morts, victimes instantanées de leur explosion.

Si vous y avez survécu, alors il est plus que temps de trouver un abri, abri aménagé pour les V.I.P ou abri de fortune pour les gens ordinaires, et de s’y calfeutrer avant que le nuage radioactif n’arrive jusqu’à vous. Et là, de votre trou plus question de sortir ne serait-ce qu’une petite heure pour se dégourdir les jambes, réapprovisionner le garde manger ou simplement applaudir les personnels des services de santé, si tant est qu’il en subsiste encore...Plus de radio, plus de télé, d’internet ni de téléphone : l’impulsion électromagnétique provoquée par les explosions nucléaires les aura mis hors d’usage.
Alors coupé du monde, sans doute dans l’obscurité, avec des réserves de survie qui s’amenuisent de jour en jour et vos déchets qui s’accumulent à vos côtés et qui rendent l’atmosphère de moins en moins supportable, il ne vous reste plus qu’à attendre...Attendre quoi ?

Qu’un jour enfin, n’en pouvant plus de ce confinement inhumain, vous décidiez de quitter votre bouge avec, sans trop y croire, l’espoir que le pic de radioactivité soit passé et que la vie d’avant peut tant bien que mal reprendre son cours. Et là, oh surprise ! Vous vous apercevez que le ciel n’est plus comme avant, qu’un voile gris de poussières et de cendres radioactives fait écran au soleil et empêche ses rayons de réchauffer la terre. Vous découvrez l’hiver nucléaire qui prive les plantes de l’action du soleil nécessaire à leur reproduction, et vous prenez conscience de la catastrophe alimentaire qui s’annonce, des famines et des guerres pour la nourriture qui attendent les survivants de l’holocauste nucléaire et dont, pour la plupart, ils ne se remettront pas.

STOP, arrêtons là ce scénario cauchemar ! Est-ce bien là ce que nous voulons ? Bien sûr que non.

Alors pourquoi continuons-nous à accepter d’entretenir des armes nucléaires ?
La défense de nos intérêts vitaux ? La belle histoire !

Nous ne sommes plus au temps de la guerre froide, où l’arme nucléaire pouvait paraître comme seule capable de faire barrage à la volonté hégémonique de puissances aux idéologies opposées. Les puissances d’aujourd’hui dont on se méfie ne représentent plus de telles menaces existentielles qui pourraient encore justifier l’entretien d’une telle arme. D’autant que dans l’adversité face au corona virus, ces puissances font preuve de gestes de soutien qui, quelles qu’en soient les motivations, s’accordent mal à l’image « d’ennemis potentiels » qu’on a tendance à leur coller [1].

Les vraies menaces d’aujourd’hui, celles qui visent directement les premiers intérêts vitaux de toute nation, à savoir les vies de ses ressortissants, sont d’une autre nature. Ce sont les attaques terroristes qui viennent semer la terreur et la mort jusqu’au cœur de nos cités (des Twin towers au Bataclan et à la promenade des anglais...la liste est longue) ou, comme aujourd’hui, la propagation mondiale d’un virus dont les victimes se comptent rapidement par centaines de milliers ou demain encore les émeutes de populations, déplacées climatiques en lutte pour leur survie. Réactions de rejet d’une planète qui n’en peut plus de la maltraitance que l’on fait subir à ses écosystèmes, ce sont là les types de menaces auxquelles nous allons de plus en plus nous trouver confrontés si nous ne changeons pas nos modes de vie, notre rapport à la misère des peuples et à l’environnement. Et contre ces menaces qui relèguent au second plan celles en provenance d’Etats constitués, les armes nucléaires ne nous sont d’aucune utilité.

N’est-il pas alors, dans ce nouveau contexte géopolitique, pour le moins irresponsable de maintenir notre arsenal nucléaire ? Certes la doctrine de la dissuasion nucléaire dont nous nous prévalons repose sur le principe de sa non utilisation. Mais ce principe ne nous assure en rien que nous ne soyons demain victimes d’un conflit non voulu, soit déclenché par d’autres (et l’on pense à la possibilité de voir le conflit indo-pakistanais dégénérer en guerre nucléaire) ou que nous aurions nous même provoqué par erreur de jugement, par accident ou suite à un piratage informatique.

Et puis, si l’on convertit le « pognon de dingue » [2] que chaque année on y consacre (5 milliards d’€ hors frais de fonctionnement) en pouvoir d’achat de moyens qui font aujourd’hui cruellement défaut à ceux qui sont en première ligne du combat contre le corona virus [3], cet acharnement à entretenir contre toute logique une force de dissuasion nucléaire ne doit-il pas aussi être qualifié de criminel ?

Les temps exceptionnels que nous vivons ont au moins cela de positif : ils nous ramènent aux vraies valeurs, aux priorités de la vie...et manifestement, pour le commun des mortels, l’entretien de l’arme nucléaire n’en fait pas partie. Puissent les enseignements du temps présent nous conduire, la crise sanitaire passée, à recentrer nos efforts sur la satisfaction des vrais besoins et, à ce titre, tirer un trait définitif sur la dissuasion nucléaire et ses dépenses exorbitantes !

Les circonstances y sont favorables. Les effets inattendus de la crise sanitaire [4] placent les défenseurs du dogme nucléaire en position de faiblesse. C’est le moment de pousser pour y mettre un terme.
Les mouvements pacifistes qui ont déjà obtenu de l’ONU en 2017 le vote d’un traité d’interdiction des armes nucléaires y sont prêts. Qu’attendent d’autres voix, d’autres forces pour se joindre à eux ?
On aimerait à cet effet voir comme à d’autres époques, pour d’autres nobles causes, sortir de leur réserve quelques officiers supérieurs d’active courageux pour dénoncer l’absurdité aujourd’hui de faire reposer sa défense sur une telle arme, quelques grands quotidiens pour mener la campagne de l’opinion pour son abolition, quelques partis politiques pour porter haut et fort cette revendication [5].
Car c’est tous ensemble que nous y arriverons, et cette victoire sur la bombe marquera une étape essentielle vers plus de sécurité et de bien être pour tous les peuples.

Roland de Penanros
24 avril 2020

Puisque le confinement nous en donne le temps, quelques suggestions de livres et films sur le sujet :

Pour un tour d’horizon complet de la question

L’Illusion nucléaire , livre de Paul Quilès, Jean-Marie Collin et Michel Drain, aux éditions Charles Léopold Mayer, 2018

Sur le scénario cauchemar d’une guerre nucléaire

• Le jour d’après télé film américain (1983) de Nicholas Meyer. Ne pas confondre avec plusieurs autres films produits plus tard, qui portent le même titre mais qui n’ont rien à voir. Ce film présente l’avantage d’être accessible gratuitement sur le net.

• Le dernier rivage (1959) film hollywoodien de Stanley Kramer avec Grégory Peck et Ava Gardner.

• La bombe (1967) film anglais de Peter Watkins
Sur les risques accidentels de déclenchement d’un conflit nucléaire

• l’homme qui sauva le monde (2015) film de Peter Anthony. Accessible gratuitement sur le net

• Le chant du loup (2019) film d’Antonin Baudry.

[11Sans trop s’étendre, comme s’ils éprouvaient quelque gène à l’évoquer, les media nationaux ont relayé l’information portant sur des dons en matériels de santé (masques et respirateurs principalement) de la Chine à destination de l’Italie et de la France, et de la Russie pour l’Italie et les Etats-Unis. A l’occasion de l’envoi du convoi humanitaire vers les Etats-Unis le porte parole du Kremlin a déclaré : » Aujourd’hui quand cette situation touche tout le monde sans exception et devient globale, il n’y a pas d’alternative aux actions dans l’esprit du partenariat et de de l’assistance mutuelle « 

[22 Expression reprise au président Macron et qui est bien plus appropriée au cas présent, qu’à celui des dépenses sociales auquel il l’avait scandaleusement accolée

[33 Selon ICAN France cela représente l’équivalent de 100 000 lits pour soins intensifs + 10 000 ventilateurs + le coût annuel du financement de 20 000 postes d’infirmier-e-s et de 10 000 postes de médecins

[44 On a été surpris de la rapidité avec laquelle le corona virus a déstabilisé les forces stratégiques navales des Etats-Unis d’abord ( deux porte-avions de la flotte américaine du Pacifique, l’USS Ronald-Reagan et l’USS Théodore-Roosevelt, mis hors service pour cause de contamination) puis celles de la France (avec la mise à l’arrêt pour décontamination du fleuron de notre Marine Nationale, le PAN Charles-De-Gaulle, c’est tout le groupe aéronaval, première composante de projection de notre puissance militaire, qui se trouve immobilisé pour plusieurs semaines). On n’ose imaginer les conséquences de l’introduction du virus dans l’espace particulièrement confiné d’un de nos SNLE en mission. Sans doute son retour précipité à l’île Longue car comme l’a déclaré fort justement le commandant du Théodore- Roosevelt : »on n’est pas en guerre, il n’y a aucune raison que des marins meurent ». En tout cas, un sérieux trou dans la raquette de notre dissuasion nucléaire ! Mais est-ce vraiment si grave que cela ?

[55 On pense ici au général de Bollardière qui s’est élevé contre la torture en Algérie et au journal L’Aurore qui a mené la campagne pour la réhabilitation du capitaine Dreyfus