Le nucléaire en rade de Brest, penser l’après...

La signature du traité d’interdiction des armes nucléaires à l’ONU nous conduit à engager dès à présent la réflexion sur l’avenir de la rade une fois délivrée de l’arme nucléaire. Un avenir qui pourrait être radieux et non plus irradié (allusion faite aux travailleurs irradiés de l’île longue et aux menaces de radiations que font planer sur les populations de la rade, en cas d’accident ou de conflit, la présence des sous marins nucléaires, de leurs bombes et de leurs réacteurs nucléaires).

Penser l’après, tel était le thème du débat organisé par l’UEP le samedi 15 février et auquel une cinquantaine de personnes ont participé.

La question de l’emploi

Quelle incidence sur l’emploi ? Comment compenser les emplois perdus ?
Ces questions furent naturellement au cœur du débat.

3 500 emplois (2 500 à l’île Longue et 1 000 à l’arsenal de Brest) sont aujourd’hui directement lié à l’activité nucléaire en rade. 2/3 sont des emplois civils dont plus de la moitié relèvent de la réparation navale. Ces emplois directs ou quasi directs (sous traitants industriels sur site) génèrent plus de 2 200 emplois induits1 (commerces, services ...), essentiellement de proximité. Au final, c’est près de 6 000 emplois qui risquent de disparaître dans le pays de Brest en cas d’abandon de la dissuasion nucléaire.
Si, du fait de leur statut, les militaires sont assurés
de garder leur emploi -ils feront l’objet de réaffectation au sein du ministère de la Défense- les personnels civils ne bénéficient pas d’une telle garantie et leur avenir est plus préoccupant. Le souhait du plus grand nombre et aussi l’intérêt du territoire est de leur trouver des emplois de substitution sur place.

Ceci nous renvoie à une problématique de reconversion partielle des activités militaires de la rade.

Des pistes pour la reconversion

Plusieurs seront évoquées :

  • Le démantèlement du site nucléaire de l’île Longue qui pourrait mobiliser pendant quelques années pyrotechniciens et experts en génie nucléaire qui y sont déjà employés.
  • La déconstruction des navires en fin de vie.
    Pourquoi la Marine continue-t-elle à envoyer ses vieilles coques se faire déconstruire en Belgique alors que l’on dispose ici des compétences et équipements pour le faire ?
  • Le développement d’une filière Energies Marines Renouvelables (EMR).
    Certes un plan de développement de cette filière est acté pour Brest, mais l’atteinte de ses objectifs semble de plus en plus improbable. La contribution à la réalisation des éoliennes pour la baie de Saint-Brieuc, le seul marché en perspective, sera réduite à sa portion congrue (à peine 200 emplois pendant un à deux ans seulement) ; l’essentiel des travaux se fera en Espagne. Pourquoi aussi ce plan fait-il l’impasse sur la construction et l’entretien des bateaux de servitude des champs marins d’éoliennes, activités qui auraient pu être réalisées ici ?

Un constat partagé face à ces occasions manquées :
Au plan national, une absence de volonté de l’Etat de développer des énergies de substitution au nucléaire. Au plan régional et local une absence de volonté des collectivités à rentrer dans un rapport de force avec la Marine Nationale qui, sous prétexte de sécurité de ses sites stratégiques, multiplie les freins au développement en rade d’activités civiles.

Un nouveau plan de développement de la rade de Brest

La présence du site nucléaire de l’île Longue est à l’origine d’interdits ou de contraintes diverses à la circulation dans et au-dessus de la rade, à l’installation d’activités sur ses rives, voire même à la présence de ressortissants de certains pays. Et sont rappelés à ce propos divers grands projets avortés du fait de ces contraintes (du port d’éclatement pétrolier, à la passerelle Ro-Ro, jusqu’au dernier avatar de la candidature malheureuse de Brest pour les jeux olympiques de 2024) et aussi le statut dérogatoire de l’Université de Brest qui se voit interdire l’accueil de chercheurs de pays « sensibles ».

La fin de l’épisode nucléaire de la rade entraînera la levée de la plupart de ces contraintes et offrira une occasion d’écrire « un projet d’avenir pour une rade sans nucléaire ». Plusieurs pistes seront ici évoquées : un vaste plan de développement touristique avec l’île Longue comme lieu de visite, un pont sur le goulet et/ou un ferry pour joindre avec économie de temps et de CO2 les deux versants de la rade, et, plus ambitieux encore, face à l’urgence climatique, la constitution à Brest d’un pôle spécialisé dans les réponses industrielles aux problèmes posés par la montée des océans , problèmes auxquels la rade - dont l’île Longue - va se trouver rapidement confrontée.
Ce projet d’avenir reste à construire. L’implication à sa réalisation de tous les acteurs du territoire de la rade -dont bien sûr les travailleurs de l’île Longue- en sera le meilleur gage de succès. Il appartient aux autorités politiques du territoire de la rade de mettre en place dès à présent cette structure collective de réflexion sur la rade après le nucléaire.

Roland de Penanros

L’intégrale des débats sont retranscrits ICI
L’Orange Bleue, numéro 118