C’est vrai, les immigrés qui fuient la guerre, la misère, la persécution, la famine nous posent problème. Déjà en d’autres temps, l’arrivée des Italiens, des Polonais, des Espagnols "dérangeait".

Il convient pour comprendre l’immigration de réfléchir, et de ne pas se laisser aller à des impressions, des préjugés, des jugements hâtifs, ou de s’en tenir à des différences dues à des modes de vie et des cultures différents.

Pour appréhender le problème de l’immigration, il faut se replonger dans notre passé, constater ce qui se passe aujourd’hui et se demander ce que nous voulons pour demain.

Se replonger dans le passé

Prenons l’exemple de l’Afrique.

Il faut prendre en compte le passé colonial et post-colonial des grandes puissances européennes. Nous avons exploité les hommes et les femmes de ce continent ; nous continuons à exploiter leurs ressources (uranium, pétrole, gaz, minerais précieux...). Nous avons en quelque sorte organisé la pauvreté des masses africaines : en mettant en place une "élite" au service de nos intérêts ou bien dans l’agriculture en organisant le marché afin que les paysans arrêtent les cultures vivrières et finissent par s’installer dans des bidonvilles à la périphérie des villes...

Les Africains savent comment nous vivons en Europe et quel est notre niveau de vie. Aujourd’hui, avec cette immigration qui est appelée à grossir, on peut dire qu’on nous présente la note : celle de notre enrichissement qui s’est fait à leur détriment.
« Les peuples en voie de développement, où se trouvent les réserves les plus importantes de la biosphère, continuent d’alimenter le développement des pays les plus riches au prix de leur présent et de leur futur », écrit le Pape François.

Constater ce qui se passe aujourd’hui

Aujourd’hui les immigrants "embêtent" les Européens. Ils gênent parce qu’ils débarquent sur les côtes en nombre et que rien n’est prévu pour les recevoir. Ils gênent parce qu’ils ont payé une fortune leur droit de passage et que souvent ils sont "missionnés" par la famille pour ramener au pays l’argent qui assurera la survie : ils sont donc particulièrement motivés pour ne pas retourner chez eux. Ils gênent quand ils arrivent avec leur famille pour bien signifier qu’il n’y a pas de billet de retour. Ils gênent parce que les pays d’Europe sont incapables de solidarité entre eux et qu’ils laissent l’Italie et la Grèce se débrouiller seules avec ces milliers d’immigrants qui arrivent chez eux. Ils gênent parce que les associations caritatives sont attentives et veillent à ce qu’ils soient traités humainement. Et surtout, ils gênent parce que chacun de nous sait bien, qu’à leur place, il aurait lui aussi sûrement tout tenté pour fuir les conditions épouvantables dans lesquelles ils vivent.

Alors, par simple humanité, nous devons les accueillir et les traiter dignement. Et en tant que première puissance économique du monde, l’Europe peut en faire beaucoup plus. C’est la volonté qui manque, pas l’argent.

Se demander ce que nous voulons pour demain

Beaucoup sont d’accord : la meilleure solution serait de permettre à ceux qui voudraient partir de rester sur place pour vivre et travailler au pays. Eux-mêmes souscrivent à cette idée. Mais pour cela il faudra y mettre beaucoup l’argent, et prévoir "un plan Marshall" Ce n’est donc pas pour demain.

En attendant que pourrait-on faire ? Il n’y a pas de réponse facile mais c’est encore la volonté qui manque.

À côté du statut de réfugié politique, ne pourrait-on prévoir un statut de réfugié économique ? Ceci permettrait de nourrir les immigrés ici et leur famille là-bas, en attendant qu’ils puissent se nourrir et vivre dignement chez eux. Ce serait une petite compensation aux désordres que nous avons générés lors de notre "passage" dans leurs pays.

Conclusion

Rien faire ne fera qu’aggraver le problème. Ériger un mur ou couler les bateaux des passeurs ne résoudra rien. Comment croire que les candidats à l’exil vont accepter de crever sans rien tenter ? Aspirant à une vie meilleure, ils n’ont rien à perdre, pas même leur vie. Et comment peut-on leur dire, après les avoir dépouillés, qu’ils ne peuvent pas venir chez nous où ils espèrent trouver l’Eldorado ?

Notre sécurité ne sera pas assurée par les armes parce que les budgets vertigineux qui y sont consacrés le sont au détriment du soutien qu’on pourrait apporter à ces populations. Que pourront les armes pour résoudre le problème de la migration de centaines de millions d’humains à cause du réchauffement climatique qui fera monter le niveau des océans ? ou à cause des guerres menées pour l’accès à l’eau potable ?
Notre sécurité sera assurée lorsque la satisfaction des besoins fondamentaux sera acquise pour tout être humain.

Certes, cela va coûter très cher. Mais ce sera moins cher que les révoltes qui ne manqueront pas de se produire. Et ce sera le prix à payer pour qu’une certaine justice prévale dans les relations humaines.

Fanch Hénaff