La moitié d’un gouvernement en exil, l’autre moitié en prison, un referendum populaire interdit et violemment réprimé par l’état central, des hommes politiques emprisonnés depuis 2 ans et récemment (1er octobre 2019) lourdement condamnés à 9 et 13 ans de prison, et déchus de leurs droits civiques.

Non, cela ne se passe pas actuellement dans une petite république « cocaïne » d’Amérique latine, mais bien en Europe, tout près de chez nous, à notre frontière, en Espagne, en Catalogne, et dans l’indifférence généralisée.

Depuis 10 ans, des millions de Catalans descendent dans la rue pour réclamer un statut d’autonomie respecté, et pour bon nombre maintenant, l’indépendance.

Bien que non-violents, ces mouvements populaires sont réprimés brutalement.

Face à cela, il est vrai que l’on a même pas entendu un « cri de souris » émanant de nos dirigeants européens… « des fois que cela pourrait faire tache d’huile et donner des idées à quelques minorités européennes velléitaires »…
 
Les derniers événements.

En juin 2018, Pedro Sanchez, l’actuel premier ministre socialiste (PSOE) du gouvernement espagnol, a bénéficié du vote des indépendantistes basques et catalans pour renverser, le gouvernement très conservateur (PP) de Mariano Rajoy. Mais, dès sa prise de pouvoir, au lieu d’entamer des négociations politiques sur le statut d’autonomie de la Catalogne il laisse condamner le vice-président Junqueras et 7 ministres catalans à de lourdes peines de prison, au risque, confirmé, d’un nouvel embrasement populaire en Catalogne.
 
Particularisme catalan ?

Egoïstes, les Catalans ?... rappelons que le port de Barcelone s’était porté volontaire pour recevoir les migrants sauvés par l’Aquarius et que le navire humanitaire Open Arms appartient à une ONG catalane.
Le 18 février 2017, 500.000 catalans défilent à Barcelone en faveur de l’accueil des migrants et la Generalitat fait voter une loi pour organiser cet accueil en Catalogne, loi aussitôt cassée par le Tribunal Constitutionnel de Madrid.
La plupart des journalistes et commentateurs politiques traitent la question catalane de manière partisane et caricaturale. Le particularisme catalan n’est pas né d’hier, il est le fruit d’une longue histoire, le parti indépendantiste de gauche ERC existe depuis 1931. Mais la crise actuelle semble bien liée à une gestion désastreuse du pouvoir central madrilène et particulièrement durant la période Mariano Rajoy.
 
Les droits de l’Homme

Deux rapports (mai et juillet 2019) d’un groupe de travail de l’ONU dénoncent les détentions arbitraires.

La Ligue des Droits de l’Homme et Amnesty Internationale relèvent des irrégularités dans le procès du 1er octobre dernier. « Ce procès sanctionne la liberté d’expression, de réunion, de session pour des parlementaires démocratiquement élus. »

Face à des questions qui relèvent du débat démocratique, l’instrumentation policière et judiciaire est stupide, dangereuse et toujours une impasse.
 
L’Europe

La question catalane déclenche plus qu’un silence assourdissant à Bruxelles : le 21 octobre dernier, le groupe des Verts, propose de débattre sur « la situation en Catalogne », proposition rejetée par 299 voix contre (Parti Populaire Européen, Socialistes et Démocrates) et 118 pour (Verts, Gauche Unie).

Qui sommes-nous pour décréter que les revendications catalanes sont légitimes ou pas ? Par contre nous avons le droit et le devoir de dénoncer la répression madrilène, ses atteintes dangereuses à la démocratie et ses relents franquistes.

A trop mépriser le vote et l’opinion des peuples, comme le fait notre « Jupiter » national vis-à-vis des gilets jaunes des ronds-points, des cheminots et des personnels hospitaliers, nos dirigeants européens actuels prennent des risques avec la démocratie. Ils font le lit des extrémismes, des populismes, des égoïsmes et de leur traduction politique : le fascisme.
 
Joël Rolet, L’Orange Bleue, n° 117