Commémoration

Mon papa est mort à la guerre. J’étais un gamin qui a pleuré quand il s’est éloigné de nous, qu’il a disparu de mon regard. Maman m’a expliqué qu’il « était appelé » pour défendre la France. Elle a voulu m’expliquer ; je lui ai dit « ça m’est égal » ?

Tous les ans, « ON » commémore la fin des guerres et « ON » glorifie les héros morts pour la patrie. Les « anciens combattants revêtent leurs habits de gloire qui, sans cesse, s’alourdissent de médailles inventées pour la circonstance.

Mon papa a fait la guerre, n’importe laquelle, il est monté au front (on m’a dit !). Il a subi les tirs des « hommes » d’en face, a été blessé, s’est relevé, a été soigné et a du repartir à l’assaut des « hommes d’en face ». Mon papa a fait tout cela et sans doute fait et refait. C’est ce qu’on m’a dit sans que je comprenne d’ailleurs. Je pensais à lui c’est tout. Mon papa, un jour, a pensé que le choix de sa vie n’a jamais été celà de tuer les … sans jamais savoir simplement pour quoi.

Mon papa aimait dire « simplement » car il n’aimait pas les choses compliquées dites par ceux qui veulent tout expliquer sans apparemment savoir ce qu’ils veulent dire.
C’était son idée.

Un jour, il a pensé « simplement », une idée juste pour lui, que sa vie était de continuer à vivre l’amour commencé avec sa femme et moi, son fils, son « petiot » disait-il. En fait, il a pris conscience de ce qu’il savait depuis toujours que le choix de sa vie était de vivre « simplement » en aimant sa femme et son petiot. Ce qu’on lui imposait là était mal.

Oui, les commémorations paraissent importantes et ça permet de faire la fête, de construire des camps comme avant avec des jeeps, les fausses tranchées, les canons à blanc !!! C’est important de montrer aux jeunes ce que fut la guerre ! Non !!!!

Oui c’est essentiel... à la fin de la fête, on se raconte des histoires d’aujourd’hui, on se re-raconte les anecdotes de sa vie de soldat... on parle autour d’une réception offerte par … qui au fait ! Mais papa où es-tu là dedans ? Je ne te trouve pas ! On ne parle même pas de toi, ma maman m’a expliqué. Dois je être honteux de ton choix ?

Aujourd’hui, papa, je suis triste, j’ai vu une commémoration, une fête sans amour, sans âme. J’ai vu des jeunes (excuse moi de te le dire papa) se saisir du drapeau pour commémorer l’oubli que nous semblons avoir des horreurs des guerres. Parait-il que les anciens combattants se meurent !
Excuse moi, papa, mais qu’ils crèvent tous et que ton désir de vivre une vie d’amour avec ta femme et ton « petiot »devienne le seul choix possible. Maman n’est plus là... Je vous dis à tous les deux (car en fait, vous m’écoutez toujours, je le sens bien) que ce n’est pas juste qu’après toutes ces horreurs des guerres, on ne laisse pas la puissance de l’amour, de l’empathie que ma maman et mon papa aviez en vous de décider des « guerres ou paix ».Femme-Homme-Enfant dans toute négociation...
C’est notre idée,. Nous retrouvons cette idée dans le monument aux morts pacifiste de Primelin, près de Plogoff.

Charles Le Hir, l’Orange Bleue n° 117