Jeudi 22 janvier :

Conférence sur le rôle de l’ONU

Monique Chemillier-Gendreau, spécialiste de droit international, nous parle d’un sujet d’actualité :

« Peut-on encore attendre quelque chose de l’ONU ? ».

Introduction conférence par Roland Depenanros :

Etat du mécanisme de maintien de la paix :

Instrumentalisation, analyse des moyens de substitution :

Au sujet des opérations de maintien de la paix :

Examen conflits (Irak, Afghanistan, Lybie) :

Responsabilité de protéger les civils : et la conférence de Genève ? :

Dernière partie :

  • mise en regard des nouvelles menaces par rapport à l’obsolescence des outils :
  • premières réformes : réduction drastique du commerce des armes couplée au retour à des mécanismes de justice sociale
  • Conditions idéologiques et politiques d’une pacification du monde :

Débats :

  • démocratisation de l’ONU ou table rase ?

    et

Répondant à l’invitation de l’UEP, Monique Chemillier-Gendreau, professeur émérite de Droit Public et de Sciences Politiques a donc tenu récemment à Brest deux conférences :

La première était centrée sur l’ONU et les interrogations quant à son devenir. Vous pouvez l’écouter ci-dessus et nous reproduisons ci-dessous le texte résumé de la dernière partie de son intervention qu’elle a accepté d’écrire à l’intention des lecteurs de l’Orange Bleue.

Dispensée devant un parterre de jeunes juristes, la deuxième conférence traitait de la crise du Droit International et de la façon de la surmonter. L’occasion pour notre conférencière de dénoncer le concept de souveraineté nationale qui, selon elle, est le principal obstacle au développement du Droit International et à la paix (cf encadré).
N.B : les intertitres du texte de la conférence et l’encadré sont de la rédaction.

Première conférence : À quelles conditions peut-on garantir la paix mondiale ? Monique Chemillier-Gendreau

Dérives onusiennes

Les Nations Unies ont échoué à remplir leur mission. Cet échec tient à des ambiguïtés contenues dans la Charte elle-même ou à des détournements de ses dispositions. Le processus de maintien de la paix reposait sur l’accord supposé des cinq grandes puissances entre elles, accord rarement rencontré. Les situations concrètes devaient d’abord être qualifiées. Or les notions de rupture de la paix, mais surtout d’agression sont imprécises. Enfin il était prévu que par accords entre eux, les États mettraient des contingents à la disposition du Conseil de sécurité pour qu’il puisse agir. Et ils ne l’ont jamais fait. En revanche, le monde s’est enfoncé dans une militarisation de toutes les économies, situation qui constitue en soi une menace contre la paix.
Devant cette situation, le Conseil de sécurité ne voulant pas se saborder, a rusé avec les textes. Dans certains cas, il a délégué aux États les pouvoirs de sanctions militaires qui étaient les siens (Corée ou Iraq). Dans bien d’autres situations où la guerre se déchaîne, on a maquillé l’échec avec des opérations de maintien de la paix. Les « Casques bleus », se sont multipliés, soulevant plus de problèmes qu’ils n’en résolvaient. Dans d’autres cas, le Conseil de sécurité a couvert a posteriori des interventions déclenchées sans qu’il en ait décidé ainsi (deuxième guerre d’Iraq ou intervention en Afghanistan). Enfin, dans un cas récent, le Conseil a utilisé la notion de « responsabilité de protéger » pour couvrir une intervention aérienne contre la Libye, laquelle a entraîné la chute de Khadafi sans doute, mais la déstructuration totale de la Libye et surtout la mise à disposition de qui voulait, et notamment des djihadistes du Sahel, des armes contenues dans les arsenaux libyens.
Les perspectives sont particulièrement sombres et pour y faire face il faudrait entreprendre des réformes fondamentales sur trois terrains : militaire, économique et politique.

Moins d’armes, plus de justice sociale

Du point de vue militaire, on a assisté au glissement des guerres interétatiques à des guerres mixtes, mettant en jeu des rivalités entre États doublées de conflits interethniques ou interreligieux. Cette violence disséminée est liée à la généralisation des armements et à la facilité qu’ont les belligérants à se les procurer. Les grandes puissances y sont très directement mêlées comme fournisseurs d’armes et elles ont ouvert la voie à la militarisation des économies mondiales.

Il serait impérativement nécessaire d’aller vers une réduction drastique de la fabrication et du commerce des armes. D’ailleurs il ne s’agirait que d’appliquer l’article 26 de la Charte (totalement ignoré depuis l’origine) qui charge le Conseil de sécurité d’établir un système de réglementation des armements de manière « à ne détourner vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde »1. Ce minimum est celui qui reste nécessaire pour assurer la légitime défense des peuples et les interventions internationales lorsqu’elles sont indispensables.
Mais l’envie d’être armé vient aux riches qui veulent défendre leurs richesses et aux pauvres qui veulent se faire justice à eux-mêmes. Aussi la source principale de la violence vient-elle de l’inégale distribution des richesses comme cela a été débattu lors du récent sommet de Davos. Comment interrompre la montée des inégalités et faire retour à des recherches de justice sociale ? Cela est-il possible sans s’attaquer au système capitalisme ? Est-il possible de l’humaniser ou doit-on le dénaturer ? Celui-ci est-il compatible avec la paix ?

Des nations à la communauté universelle

Et l’on en vient immanquablement à la question politique. L’histoire nous apprend que la violence recule au sein d’un groupe humain lorsque les individus appartenant à ce groupe forment une communauté politique et recherchent ensemble les modalités politiques et juridiques de leur vivre ensemble. Mais la complexité du monde d’aujourd’hui oblige à penser la communauté à plusieurs échelons, chacun d’entre nous participant aux différents échelons. Il serait nécessaire que tous les individus quelle que soit la communauté restreinte à laquelle ils appartiennent, aient aussi le sentiment d’appartenir à une communauté supérieure, celle que forme toute l’humanité. C’est ce sentiment qui manque et auquel l’existence des Nations unies n’a pas donné naissance. Alors que nous sommes pris plus que jamais dans un destin commun, courant les mêmes risques et condamnés à trouver ensemble les solutions ou à périr, les groupes humains se déchirent et laissent les menaces les submerger. C’est le retour du droit de se faire justice à soi-même et la réapparition de la vengeance, en écho à l’échec du droit. La preuve en a été administrée par la capture et l’assassinat de Ben Laden sur le territoire du Pakistan par des commandos américains. Ces actes ont été commis en violation des règles les plus importantes du droit international contemporain (respect de l’intégrité du territoire d’un État, droit à la vie, interdiction de tuer en dehors des combats, droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue au cours d’un procès équitable). Commis par la première puissance du monde, dont le gouvernement avait pris, soixante-cinq ans plus tôt, une part active à l’élaboration de la Charte des Nations unies, cet acte, approuvé bruyamment par le peuple américain et ses alliés, n’est pas de bon augure pour une transformation pacifiée de la société mondiale.


Deuxième conférence : La souveraineté des Etats : un obstacle à la Paix, résumé

Le droit est le substitut civilisé à la violence. La souveraineté des Etats fait obstacle au développement du Droit international, seul cadre de règlement pacifié des différends qui peuvent les opposer. Du fait de leur souveraineté en effet, aucune norme internationale qu’ils n’aient librement acceptée ne peut s’imposer aux Etats. Ainsi la Cour Pénale Internationale qui devrait être un instrument essentiel de répression de la violence, n’a compétence que pour juger les criminels de guerre des Etats qui en ont accepté l’autorité. Ceux des pays qui la récusent (Etats-Unis, Russie, Israël...), peuvent continuer à perpétrer leurs crimes en toute impunité.