Dès 2011 la région, nouveau propriétaire du port de Brest, annonçait vouloir développer des équipements propres à l’accueil des activités industrielles liées aux énergies marines renouvelables (EMR). Les aménagements en cours de réalisation sont en soit un point positif.

Pourquoi alors ce titre un peu provocateur ? Notre interrogation porte sur la volonté politique de voir se créer un pôle industriel autour de cette nouvelle opportunité. Les annonces des premiers temps (2012-2013) en sont restées au stade d’annonce.... L’assemblage des éoliennes du champ de Saint Brieuc est toujours en attente, les éoliennes ancrées qui devaient faire suite et être le véritable moteur de ce nouvel aménagement sont incertaines, le désengagement de Naval Energie semble se profiler après les annonces récentes de ses dirigeants. Seul Sabella maintient son intention. La région dans un document de 2017 note que les nouvelles installations sont dédiées aux colis lourds dont les EMR ! (Région Bretagne budget prévisionnel 2018, programme 209 développer le système portuaire). Il nous semble donc que nos interrogations sur ce sujet sont fondées !

D’autant que le contraste est saisissant avec l’évolution des EMR dans les autres ports de la façade Manche Atlantique : Nantes principalement, mais aussi Cherbourg, sont en pleine montée en puissance autour des EMR. Notre regard se porte aussi sur Bremerhaven. Ce port dépendant de la citée-Etat de Brême était au début des années 90 en plein marasme économique avec un taux de chômage dépassant les 25 %. Les EMR ont été une des nouvelles voies de développements choisies, le rebond est spectaculaire. Nous nous souvenons à l’UEP des réunions communes à Brest et Brême où les échanges portaient sur les solutions à apporter au déclin des industries d’armement sur nos territoires respectifs.

Les EMR ont-elles un avenir à Brest ? Le retard pris par Brest dans leur mise en place, qu’est ce qui l’explique et est-il encore réversible ?
Telles étaient les questions soulevées lors du deuxième débat sur l’avenir industriel du pôle naval brestois co-organisé par le centre de recherche AMURE de l’UBO et l’UEP le 19 avril dernier à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques.

Michel Voisset
L’Orange Bleue, n° 109

Compte rendu de la conférence :

Les projets en matière d’énergies marines renouvelables (EMR) visés par Brest portent à la fois sur la construction d’éoliennes en mer et d’hydroliennes.

Pour en parler, nous avions invité deux intervenants : monsieur Ollivier, membre du groupe de travail sur les énergies marines du Conseil de développement du Pays de Brest, et monsieur Daviau, président de l’entreprise Sabella qui porte un projet de construction d’hydroliennes sur le polder.

Eoliennes en mer, hydroliennes, deux techniques de captage d’énergie en constante évolution

En matière d’éoliennes, après une phase d’installation d’éoliennes posées, le marché à l’avenir semble s’orienter vers les éoliennes flottantes, plus éloignées des côtes mais aussi de plus grande envergure (longueur des pales de 80 à 100 mètres et hauteur des mats de plus de 200 mètres). Pour l’instant l’éolien flottant en est encore au stade de l’expérimentation, mais c’est le créneau qu’il faut viser pour Brest qui, avec son polder et sa cale de radoub n°3 disposerait des infrastructures adaptées à la construction et l’assemblage de ces nouvelles géantes des mers.
Utilisant l’énergie cinétique des courants marins ou fluviaux, l’hydrolienne qui fonctionne en milieu sous-marin repose sur une technologie totalement différente et bien moins aboutie. Pour l’essentiel on est encore, ici aussi, au stade de l’expérimentation. Petite entreprise locale, sans grande assise financière, Sabella considère disposer d’un avantage compétitif pour la fourniture d’énergie à des zones non connectées aux réseaux continentaux. Sa cible se sont les petites îles, et en priorité Ouessant avec en perspective une ferme pilote d’hydroliennes dans le Fromveur. Le plan industriel de l’entreprise est à horizon 2025, il repose sur l’installation sur le polder d’une unité intégrée de production de composants d’hydroliennes (pales, rotors..) et d’assemblage.

Les raisons du retard brestois.

Alors qu’avec sa rade et ses infrastructures Brest dispose d’atouts incomparables et que, dans leur très grande majorité, les brestois-es sont favorables à l’installation à Brest d’une filière EMR (à plus de 90% selon un sondage réalisé par les étudiants de BBS), cette filière peine à démarrer. Mis à part la fabrication espérée des fondations des éoliennes posées pour le champ éolien de la baie de Saint-Brieuc et le projet de Sabella, rien ne se dessine. Selon une note récente (avril 2018) du syndicat des énergies renouvelables, sur 15 000 emplois attendus dans les cinq ans à venir sur différents sites portuaires de la façade Manche-Atlantique à peine plus de 3% (500 environ) reviendraient à Brest !

Comment expliquer ce retard ?
Il y a bien sûr la frilosité de l’Etat. La filière ne peut véritablement décoller -mais cela est valable pour tous les sites concernés par les EMR- sans un soutien appuyé de l’Etat pour financer les lourds investissements d’infrastructure et pour racheter l’énergie produite. A ce sujet, plusieurs experts dans la salle dénonceront le coût de référence du Mwh d’origine nucléaire manifestement sous estimé du fait de la non prise en compte des coûts de démantèlement des centrales et de traitement des déchets.
Il y a surtout la frilosité des principaux décideurs locaux. A l’appui de cette thèse il sera fait état d’un événement récent : la constitution d’un lobby constitué des industriels de la filière EMR et des acteurs politiques des sites portuaires concernés pour obtenir de l’Etat qu’il renonce à abaisser le prix de rachat de l’électricité EMR , ce qui aurait mis à mal l’avenir de la filière. Un seul absent dans ce lobby, Brest. Aucun acteur brestois, industriel ou politique, n’y aurait participé, le port de Brest n’étant même pas cité !

Sera également évoqué le frein à tout développement des activités en rade que peut exercer la Marine du fait principalement de la base nucléaire de l’ïle Longue.